jeudi, avril 17, 2008

L'ordre de Jacques-Cartier (la Patente)

Cet article a été écrit par J-Z Léon Patenaude qui fut initié en 1963 au Grand Orient de France à Paris et qui fonda plus tard la loge Montcalm. Cette loge Montcalm était la filliale locale du GODF. Patenaude fut aussi un membre fondateur du mouvement laïque québécois et de la ligue des droits et libertés. Le Grand Orient de France a t-il pris le relais de la Patente? On serait porté de le croire quand on regarde les politiques laïcistes et suicidaires de l'oligarchie québécoise actuelle...

Le Devoir
Samedi, 25 mars 1989

"La Patente" et la justice sociale

J.-Z.-LÉON PATENAUDE

MA PARTICIPATION se limite à deux aspects qui n'ont jamais été évoqués de la vie active de Laurendeau. Ayant connu au début des années 40 le jeune leader nationaliste au temps de mes activités chez les Jeunes Laurentiens, à L'ACJC, à la Ligue pourla défense du Canada et lors du bloc populaire, on m'a invité à traiter de deux aspects peu connus sur les engagements de l'homme dans certaines activités et de ses préoccupations dont quelques-uns se souviennent encore.

Une société discrète
L'Ordre des commandeurs de Jacques Cartier ("La Patente") a été fondé à Ottawa, en 1926, par le curé Barrette et un groupe de fonctionnaires fédéraux, dans le but de promouvoir la défense des intérêts des Canadiens français dans la fonction publique fédérale. Le secrétaire fondateur et premier permanent était un franc-maçon. L'OCJC sera une société discrète au service de la collectivité nationale et se développera rapidement, en particulier au Québec, de 1939 à 1945. " La Patente" groupera les élites, les leaders et les chefs de file de la francophonie.
Les membres venaient de tous les milieux et de toutes les classes de la société canadienne-française, plusieurs appartenaient à des partis politiques comme l'Union nationale, le Bloc populaire, le Crédit social ou à l'Action libérale nationale. L'Ordre était d'une neutralité politique absolue, et apolitique sur le choix de ses membres d'appartenir ou non à une formation politique. C'est ainsi que l'on retrouvera dans les années 40, plusieurs hommes politiques du Parti libéral (députés, sénateurs).
André Laurendeau, revenu d'Europe en 1937, dirigera la revue de l'ACJC, Le Semeur dont on ne fait jamais mention. Un procès célèbre aura lieu à Montréal mettant en cause le futur secrétaire de la province, Hector Perrier, et Arthur Laurendeau, à la suite d'une initiation à l'école Querbes, à Outremont, en 1939. Le jeune André était déjà membre de l'Ordre et il a certainement dû suivre cet événement de très près qui, à l'époque, préoccupa les milieux nationalistes. N'oublions pas qu'il dirigea l'Action nationale de 1937 à 1943.
C'est en 1942 qu'il fonde le Bloc populaire canadien et en devient le chef provincial. En 1944, il est élu député du comté de Laurier dans le centre-nord de Montréal.
Sans que l'Ordre intervienne directement, la très grande majorité des officiers et des membres, comme ce fut le cas de la Commanderie qui regroupait onze paroisses du comté (X.C. Louis Riel, no 90) se consacrent à appuyer et à faire élire Laurendeau ainsi que trois autres frères au Parlement du Québec. Et Jean Drapeau est défait.
Les émigrés polonais
En novembre 1946, il accepte, en tenue solennelle, de s'adresser à la X.C. Louis Riel, à la salle McGaughan, sur la rue Christophe-Colomb, bien que le lieu des réunions était tenu secret. Le 21 novembre de la même année, Il m'adresse une lettre en tant que secrétaire de " Le Guet", association nationale du nord de la métropole alors que j'étais le secrétaire de la XC. " ...je serai particulièrement heureux de prendre part à cette assemblée puisque la plupart de nos amis font partie du comté de Laurier..
Le lundi 2 décembre 1946, les 75 membres (frères de la X.C.) sont tous présents: 35 frères des X.C. voisines et du Conseil régional no 5 de Montréal (CPR, des dirigeants des Caisses populaires, de la Société de la Saint-Jean-Baptiste de Montréal, des Jeunesses Laurentiennes, de l'ACJC). La salle est pavoisée du drapeau national des Canadiens français. Notre invité est salué par le O Carillon; parmi les sujets discutés avant la conférence, Il y a ce que nous devons faire pour aider les émigrés polonais, nous cherchons un organisme qui pourrait les
rejoindre et les sensibiliser à nos idées ... Ils sont catholiques. D'autres sujets sont abordés comme la campagne, en Ontario, contre les minorités scolaires ainsi que l'expansion des Caisses populaires.
Durant cette réunion, M. Laurendeau traite des problèmes actuels tels que consignés au procès-verbal: travail, désertion des campagnes et communique d'autres messages aux membres de l'Ordre touchant la compétence, la personnalité et l'engagement social. Présenté par le Dr Azarie Cousineau et remercié par le secrétaire, la soirée se prolonge très tard et donne lieu à des agapes fraternelles.
Laurendeau se sentait à l'aise parmi les siens, il savait tout le dévouement et le désintéressement de ceux qui l'appuyaient; Il connaissait le sérieux des discussions à l'étude.
Dans une lettre adressée à Rosaire Morin, en date du 23 janvier 1948, Il écrit : " Enfin c'est la victoire ! Il n'a pas été nécessaire de ferrailler en Chambre à cet effet: votre travail avait à ce point aplani la route que le fleurdelysé a été reconnu sans nouvelle lutte ... vous avez certainement été parmi ceux et prôné avec le plus qui l'ont voulu de constance; il est donc pour une part de votre oeuvre, et je vous en félicite.. Parmi les plus fidèles promoteurs, il y avait Paul-Émile Robert, Orphir Robert, et l'Agence Duvernay de la SSJBM.
Le 5e degré
Le grand responsable à l'Assemblée législative était René Chaloult.
Entre 1962 et 1964, Laurendeau sera membre du Comité permanent régional de Montréal de l'OCJC et il sera assidu à toutes les réunions selon ses collègues survivants. Il aura une participation active. Le 15juin 1964, Rosaire Morin lui transmet le texte du " Manifeste " et du " programme d'action..
Le Conseil demande également à Laurendeau de rédiger la promesse d'un nouveau 5e degré qui vient d'être créé avec la collaboration du père Louis Lachance, o.p. Le texte sera remis, mais quelques mois plus tard, on devra procéder à la dissolution de l'OCJC, Laurendeau ayant participé activement jusqu'à la fin des travaux.
Samedi prochain, le DEVOIR présentera les commentaires de MM. Claude Ryan et Fernand Dumont.

6 Comments:

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LA PRESSE
Tribune libre, mercredi, 27 juillet 1988, p. B3 Réplique

L'Opus Dei se défend
Brisebois, Richard

La Presse publiait en Tribune libre, dans son édition du 18 juillet, une lettre de M. J.-Z.-Léon Patenaude intitulée «Le projet de loi sur l'Opus Dei reste à l'étude». L'auteur, qui semble s'exprimer au nom du Mouvement laïque québécois, y fait une chronologie éditorialisée du projet de loi S-7. Il en profite aussi pour discréditer l'Eglise, ses institutions et ses représentants par des allusions à peine voilées. Illustrons avec quelques exemples.
1. Le projet de loi S-7 vise à constituer la Prélature de la Sainte-Croix et Opus Dei en corporation simple, tel que prévu par les lois du pays, et non en «société secrète». Avouons que le lapsus est tout de même surprenant de la part d'un individu qui se réclame d'être un frarc-maçon notoire.
2. La prélature de la Sainte-Croix et Opus Dei est mieux connu sous le nom Opus Dei. Toute autre reférence à la sainteté de la Prélature n'est ni voulue ni promue par ses membres qui sont, en dernière analyse, du fait de leur appartenance à la race humaine, des pêcheurs.
3. Lors de sa visite à Montréal, le Prélat de l'Opus Dei, Mgr Alvaro del Portillo, s'est entretenu avec Mgr Grégoire, maintenant cardinal. L'Archevêque de Montréal s'est dit satisfait de l'apostolat des fidèles de la Prélature dans son diocèse. La rencontre fut très cordiale, M. Patenaude mentionne dans son article que Mgr Grégoire «a manifesté son affection pour cette organisation d'inspiration franquiste et faciste». Il s'agit de la part de M. Patenaude d'une remarque insidieuse et du reste peu subtile. Si manifestation d'affection il y eut, ce fut sûrement envers la personne du Prélat. L'allusion quant à l'inspiration de l'organisation est une attaque plutôt pauvre contre les institutions de l'Église, qui n'ont d'inspiration que le message évangélique.
Bref, la missive de M. Patenaude s'inscrit dans la tradition laïciste à laquelle il adhère et qui vise, au nom de la liberté, à brimer celle des individus qui reconnaissent l'existence d'un Etre suprême et d'une Église fondée par Lui, et qui veulent vivre en conséquence.
Ceux qui voudraient refuser à l'Opus Dei le droit d'exister sont les mêmes qui à la fois l'accusent de ne pas se publiciser suffisamment et d'avoir réponse à tout. L'Opus Dei, comme toute autre institution de l'Eglise, ne devrait donc pas, selon eux, se défendre des accusations soulevées contre elle par ceux dont la mission est de s'opposer à l'Eglise et à l'impact qu'a l'Eglise sur la vie des gens. Tel est le cas de M. Patenaude qui, à l'instar du mouvement qu'il représente, voudrait faire taire la voix de l'Église quand cette dernière veut inciter ses fidèles à la perfection chrétienne selon les préceptes évangéliques.
Les commentaires de M. Patenaude et, par personne interposée, ceux du Mouvement laïque québécois, ne se réfèrent en rien à la teneur du projet de loi S-7 et ne sont qu'une occasion de plus pour eux de discréditer tout ce qui, de près ou de loin, peut représenter la promotion de l'idéal chrétien au sein de la société.
Richard BRISEBOIS Prélature de l'Opus Dei au Canada

8:08 p.m.  
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Le Devoir
Livres, samedi, 21 avril 2001, p. D4
Essais québécois
Deux réactionnaires et un syndicaliste paradoxal
Cornellier, Éric

Gustave Francq Figure marquante du syndicalisme et précurseur de la FTQ Éric Leroux Éditions VLB Montréal, 2001, 380 pages

Un syndicaliste entreprenant
Quoi qu'en disent les deux grognons qui précèdent, l'histoire du syndicalisme et des luttes menées en son nom est une épopée grandiose, une leçon de courage et de solidarité. Gustave Francq, un des acteurs principaux du combat syndical en terre québécoise pendant la première moitié du XXe siècle, avait bien raison d'écrire, en 1924, que "toute organisation qui se donne pour mission d'augmenter le bien-être de l'humanité assume une lourde responsabilité et mérite l'estime du peuple". Qui, pourtant, se souvient de cet homme entreprenant qui a consacré une bonne partie de sa vie à l'amélioration de la condition ouvrière?
En lui consacrant une biographie archidétaillée, le jeune historien Éric Leroux rend justice à ce batailleur increvable. Né en Belgique en 1871 et débarqué à Québec en 1886, l'apprenti typographe Gustave Francq s'imposera rapidement comme une des figures marquantes du syndicalisme international tel que pratiqué au Québec. Partisan d'un syndicalisme de métiers qui rejette la notion de lutte des classes et privilégie l'entente plutôt que l'affrontement, Francq n'a pourtant rien du velléitaire. Il multiplie les campagnes d'organisation des travailleurs, fonde des journaux syndicaux, écrit abondamment afin de défendre ses idées progressistes, lutte avec acharnement, entre 1909 et 1924, malgré l'opposition du clergé et des conservateurs, en faveur de l'instruction gratuite, d'un système scolaire étatique et uniforme, réclame la mise sur pied d'un système de sécurité sociale (pensions de vieillesse, assurance-maladie, assurance-chômage, allocations familiales) et participe pleinement aux activités politiques et électorales du Parti ouvrier de Montréal.
La carrière de Francq, toutefois, a deux faces. Propriétaire, depuis 1902, d'une imprimerie qui deviendra prospère, le syndicaliste est aussi un patron. Respectueux de ses employés et fidèle aux principes syndicaux, mais un patron tout de même. Dans les années 1920, tout en poursuivant ses activités militantes, il mène un train de vie bourgeois avec chauffeur et domestique, ce qui ne va pas sans soulever un problème d'éthique. Défenseur du français au sein des instances syndicales et en milieu de travail, Francq professe toutefois un antinationalisme de principe, appuie la conscription en 1917 et signe un virulent pamphlet anticommuniste en 1919. Nommé haut fonctionnaire de l'État québécois par les gouvernements libéraux de Taschereau et de Godbout entre 1923 et 1944 (il s'opposera à Duplessis de 1937 à 1939), ce franc-maçon poussera souvent un peu loin sa conception du syndicalisme de conciliation.
Aussi, s'il rend hommage à l'homme hors du commun, mort en 1952, qui fut un précurseur de la FTQ, Éric Leroux ne se prive toutefois pas de souligner les fondements bourgeois et antirévolutionnaires de sa pensée et de ses actions. D'aucuns diront peut-être, d'ailleurs, que ses héritiers de la plus grosse centrale syndicale du Québec lui sont, à ce titre, trop fidèles. Vieux débat qui reste d'actualité.
Contribution admirable et essentielle à l'histoire du syndicalisme au Québec, la biographie que signe Éric Leroux rebutera peut-être les dilettantes par son souci du détail. C'est là le prix de la rigueur, qui n'est pas un défaut en ces matières.

8:10 p.m.  
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Sans les notes pour alléger le texte.

Francs-maçons francophones du temps de la «Province of Quebec» (1763-1791)
Par ROGER LE MOINE, s.r.c.

La franc-maçonnerie qui s'est développée sur les rives du Saint-Laurent du régime français à nos jours n'a pas fait l'objet de travaux sérieux. Les chercheurs s'en sont laissé détourner par les condamnations qui ont été portées contre elle, très régulièrement, et par la «difficulté de la documentation» pour reprendre une observation de Daniel Ligou qui s'applique fort bien à la situation qui a prévalu ici. En 1892, John H. Graham déplorait déjà la disparition des archives de plusieurs loges- et, en 1939, Pemberton Smith faisait le même constat. Tout en comprenant les craintes qui ont pu retenir les uns et les autres. je me suis permis de ne pas les partager. Il me semblait inadmissible que nul ne tente un jour de retracer l'histoire des loges où se sont regroupés les francophones et de préciser l'influence qu'elles ont pu exercer sur la société québécoise. Et cela, sans préjuger des résultats.


Après m'être intéressé à la franc-maçonnerie sous le régime français, j'ai pensé pousser mon enquête au-delà du traité de Paris. Dans les lignes qui suivent, je m'attacherai aux quelque vingt-huit années qui vont de 1763 à 1791 parce qu'elles constituent une période durant laquelle coexistent les institutions politiques et maçonniques. En 1763, soit l'année même du traité de Paris, le gouvernement impérial de Londres crée la Province of Québec qui est successivement régie par la Proclamation royale et, à partir de 1774, par l'Acte de Québec. Tandis que, dès la Saint-Jean d'hiver de 1760, est constituée la Provincial Grand Lodge of Quebec qui est reconnue par la Grande Loge des Modernes de Londres. Par la suite, c'est-à-dire à partir de 1791, l'Acte constitutionnel transforme en profondeur les structures politiques de la Province of Quebec qui devient, dans des frontières réduites, la Province of Lower Canada. Et la Grand Lodge of Lower Canada, qui est issue de la Grande Loge des Anciens de Londres, se substitue en 1792 à l'obédience existante de la Provincial Grand Lodge of Canada.
À l'époque s'affrontent les tenants de tendances politiques qui expriment des intérêts de classe. La bourgeoisie d'origine britannique réclame d'abord pour les seuls protestants les droits et privilèges des «anciens sujets britanniques», c'est-à-dire une chambre d'assemblée élue. Si elle se fonde sur une tradition parlementaire, celle de la Chambre des communes de Londres, elle n'est pas insensible non plus à la propagande américaine. - Certains de ses membres se laissent même séduire. - Et puis, faisant taire peu à peu ses préjugés anti-papistes, à un moment où le statut des catholiques se modifie, elle s'allie par intérêt à la bourgeoisie canadienne qui est marquée par la propagande américaine, notamment par la première Lettre adressée aux habitants de la province de Québec, ci-devantle Canada, publiée par Mesplet en 1776, et aussi par l'idéal des Lumières. Durant cette période, qui se caractérise en France par une activité intellectuelle intense, soit celle de la pré-révolution, les oeuvres des Philosophes continuent de parvenir au Québec grâce aux libraires français établis à Londres. Les réformes qu'elles proposent passent dans le public par la Gazette de Québec de Brown et Gilmore ainsi que par la Gazette littéraire et la Gazette de Montréal de Fleury Mesplet. Claude Galarneau écrit à propos de ces journaux de Québec et de Montréal: Ces journaux bilingues sont dirigés par des hommes éclairés qui s'intéressent autant à la vie intellectuelle qu'à la vie politique. C'est pourquoi les auteurs à la mode au XVIIIe siècle y sont très souvent cités.
Mesplet, pour sa part, va beaucoup plus loin et il fait de son journal une arme de combat contre la superstition et les dogmes, le clergé et les seigneurs, groupant autour de lui les esprits voltairiens et les encyclopédistes du cru. Si l'on ne peut mettre un nom que sur quelques-uns d'entre eux, il est certain que ce groupe conquis aux idées françaises et aux lumières formait l'intelligentsia montréalaise et qu'il tenait le haut du pavé.
Claude Galarneau puis Jean-Paul de Lagrave ont étudié le rôle de Fleury Mesplet qui a animé tout ce mouvement, secondé en cela par des Canadiens qui ont séjourné en France et par des Français qui se sont établis au Québec. Les revendications des bourgeois anglophones et francophones vont aller s'accentuant à partir de la création en 1775 du conseil législatif. Car cette institution, dont les membres sont nommés par la Couronne, favorise la richesse foncière au détriment de la richesse mobilière. Le choix de ceux qui la composent le montre assez bien. Tel n'est pas l'acte libéral que cette classe souhaite; elle ne l'obtiendra qu'en 1791. Tandis que la noblesse cherche à maintenir ses privilèges en rejetant toute forme de démocratie. Elle s'accommode fort bien d'un conseil législatif qui la favorise. L'un de ses représentants, le marquis de Lotbinière, fait cependant exception en prenant fait et cause pour les Américains. - Quant au clergé, il ne s'attaque pas encore aux francs-maçons même si la présence de certains d'entre eux parmi les marguillers de Notre-Dame de Montréal l'agace quelque peu. - Telle est décrite de façon fort grossière la situation qui prévaut de la Proclamation royale de 1763 à l'Acte constitutionnel de 1791.
Circule également toute une littérature maçonnique émanant de la Grande-Bretagne et destinée au grand public. L'imprimeur-éditeur de la Gazette de Québec donne dans le mouvement. En 1765, la maison Brown and Gilmore met en vente The Young FreeMason's Assistant. Being a choice of Mason Songs: With a variety of toasts and Sentiments. To which are added a few of the most celebrated songs, scotch and english.
De fait, ce recueil avait paru à Aberdeen chez W. Chalmers en 1764 mais, à la suite d'arrangements, la maison Brown and Gilmore avait accepté d'en assumer la distribution après avoir obtenu d'en changer la page de titre. En 1750, William Brown publie Brotherly Love explained and Reccommended, in a sermon, preached before the Ancient and Honorable Society of Free and Accepted Masons, at Quebec, on Monday the 27th of December, 1779. By The Rev. George Henry, M.A. Six ans plus tard, le même éditeur annonce qu'il donnera le 27 décembre 1786 une édition du Freemason's pocket Companion - un ouvrage souvent réédité à Londres et à Edimbourg depuis 1765 - s'il trouve quarante souscripteurs. Mais la condition n'est pas remplie. Et, en 1787, toujours chez William Brown, paraît An Oration delivered at the Dedication of Freemason's Hall in the City of Quebec, by Alex Spark, A.M. published at the Request of the Society. Ces publications témoignent d'une clientèle, c'est-à-dire d'un intérêt certain pour la franc-maçonnerie.
Les recherches que j'ai effectuées et dont j'ai publié les résultats dans les Cahiers des Dix m'ont permis de conclure à la présence d'une franc-maçonnerie dès le temps du régime français. Il aurait été pour le moins surprenant que les Canadiens et, d'une façon toute particulière, les habitués du Palais de l'intendant, n'aient pas été attirés par cette société initiatique qui, à partir de la fin des années 1720, s'était répandue dans l'Europe entière comme dans les colonies britanniques d'Amérique. D'ailleurs, elle comptait dans ses rangs des personnages qui ont occupé des postes importants dans la colonie, comme le gouverneur-marquis de Duquesne et le général en chef-baron de Dieskau. J'ai retracé quelques francs-maçons. Ils se nomment Charles Daneau de Muy, Nicolas Duflos, Pierre Hertel de Beaubassin, Antoine Foucher, Joseph Guichard, Joseph Marin de la Malgue, Philippe Antoine Rameau de Grandval et Jean-Baptiste Testard de Montigny. Et, par voie de conséquence, j'ai pu affirmer l'existence d'une ou de plusieurs loges sans doute issues de la Grande Loge de France. Que devinrent ces maçons après la bataille des Plaines d'Abraham? Ceux qui demeurèrent au pays abandonnèrent-ils tout travail maçonnique? On ne saurait répondre de façon catégorique. Mais ils ne semblent pas avoir demandé leur admission à l'une ou l'autre des loges britanniques qui sont alors créées. Et pourtant, à cause des hasards de la guerre, ils avaient appartenu, du moins le temps de leur captivité dans les colonies américaines, à une loge britannique de New York, La parfaite union. D'ailleurs, un des maçons de cette loge, le Suisse Jean Rochat, se retrouvera à l'une des deux loges dont il sera question, soit Saint Peter's n° 4. Depuis, j'ai repéré quatre autres maçons, sans doute initiés avant 1763, mais dans une loge dont j'ignore le nom. Ce sont Charles Curotte, Pierre-Joseph Gamelin, Louis Jarret de Verchères et François-Marie Picoté de Bélestre qui ont été admis et non initiés à Saint Peter's n° 4.
Dès avant la fin de la Guerre de Sept ans, la franc-maçonnerie connaît un nouveau départ, britannique cette fois, par le truchement des loges de régiments. Il s'en trouve plusieurs dans les armées qui envahissent la colonie par le lac Champlain et par le Saint-Laurent:
With the advent of the British troops, English Freemasonry was transplanted to Canadian soil, or more strickly speaking, Anglo-Saxon Freemasonry, for the Grand Lodge of Ireland was more largely represented among the regiments that took part in the capitulation of the cities of Quebec and Montreal. In these days many of the regiments in the British army carried traveling warrants authorizing them to hold lodges, and among those taking part in the siege of the first-named city five regiments held Irish warrants, and one an English warrant from the Grand Lodge of Scotland.
La Provincial Grand Lodge of Quebec qui, comme on l'a vu, a été fondée en 1759, fonctionne durant vingt-huit années, c'est-à-dire pendant une période qui correspond au temps de la Proclamation royale et de l'Acte de Québec. Relevant de la Grande Loge des Modernes, elle crée plus de 40 loges et, en 1767, une grande loge adjointe à Montréal. Et elle attire non seulement des anglophones mais aussi des francophones qui se retrouvent à Saint Peter's n° 4 de Montréal. Tandis que d'autres maçons, presque tous francophones, appartiennent aux Frères du Canada, une loge dont les origines, comme on le verra, sont peut-être françaises. Voilà les deux loges auxquelles j'entends m'attacher.
Première loge civile à Montréal, Saint Peter's n° 4 est fondée selon toute vraisemblance en 1768. Elle cesse son activité en 1775 à la suite de divergences politiques. Oublieux de leur allégeance, certains des membres de la loge, et surtout les «anciens sujets britanniques», ont accueilli favorablement les envahisseurs américains. - Rétablie le 21 mai 1780, cette loge, qui s'est d'abord préoccupée de secourir les infortunés, est mise en sommeil en 1792. Elle ne compte plus que quatre membres.
Le quotidien de cette loge est consigné dans deux minute books. Le premier, qui provient de la bibliothèque de Sir John A. Macdonald, est conservé aux Archives nationales du Canada. II compte cinquante-cinq pages manuscrites et il couvre la période qui s'étend du 12 mars 1768 au 19 décembre 1771.

Le second, qui va du 27 décembre 1771 au 19 décembre 1792, se trouvait, avec d'autres documents maçonniques, dans les papiers du commissaire-général James Thomson. On en aurait tiré deux copies dactylographiées, l'une pour la Grand Lodge of Quebec et l'autre pour la Grand Lodge of Canada. Mais, pour l'instant, elles sont réputées introuvables, tout comme l'original. De toute manière, le second minute book ne m'aurait pas été utile puisque le premier couvre ou à peu près la période durant laquelle les francophones ont appartenu à la loge. A ces sources s'ajoute une contribution importante de A.J.B. Milborne. Des deux minute books et des autres documents qu'il a pu consulter, il a tiré une étude intitulée «The District Grand Lodge of Montreal. St Peter's lodge n° 4. P.G.L. of Quebec, Montreal, 1762-1792». Milborne suit l'histoire de la loge, établit des tableaux des admissions, des initiations, des suspensions et des démissions. Mais comme il ne connaît pas le contexte, il ne peut identifier certains des maçons ni les intégrer dans leur milieu. L'étude de Milborne n'est pas sans mérite car, sans elle, on ne pourrait savoir que les francophones ont presque tous quitté la loge en 1775. De son côté, Charles E. Holmes s'est attaché à quelques-uns des maçons de Saint Peter's n° 4 dans When the Nobility and Aristocracy of French Canada favored FreeMasonry (1760-1825) et dans Masons who were Members of Lower Canada's First Parliament. Tandis que Claude Faribault, dans «Les Frères du Canada: nos ancêtres Francs-maçons», a apporté certaines précisions d'ordre biographique sur les membres de la loge.

Avant de m'attacher aux seuls francs-maçons francophones de Saint Peters n° 4, j'aimerais formuler quelques observations que je juge nécessaires à mon propos. Durant la première période de son existence, la loge reçoit vingt francs-maçons anglophones contre seize francophones et, durant la seconde, trente anglophones contre quatre francophones. Dans une proportion des deux-tiers, les francs-maçons anglophones ont été initiés avant leur admission à Saint Peter's n° 4. A part quelques membres des professions libérales, soit deux médecins, Robert Jones et Georges Selby, et trois avocats, Thomas McCord, Samuel Judah et Edward William Gray, et à part un ministre anglican, Richard Pollard, un hôtelier, John Franks, et trois fonctionnaires, John Hay, James Hughes et Frank McKay, tous les autres maçons se partagent entre deux groupes. En effet, neuf d'entre eux font carrière dans l'armée: Richard Duneen, Gotlieb Glusenberg, William Johnson, Patrick Lanigan, George Lawe, Andrew Nielson, Daniel Robertson, Thomas Williamson et Charles Blake. Tandis que les seize autres appartiennent au monde du commerce et de la traite des fourrures: Henry Bostwick, James Caldwell, Richard Dobie, James Finlay, James Grant, Edward William Gray, James Hughes, Georges McBeath, Thomas McCord, James Mackenzie, Richard McNeale, William Maitland, James Morrison, Richard Pollard, Charles Patterson et Isaac Todd . Les militaires et les commerçants ne sont pas admis successivement mais plutôt tout au cours de l'histoire de la loge. On ne peut parler d'une période militaire et d'une période bourgeoise. Ces maçons n'ont pas laissé d'écrits dans lesquels ils auraient révélé leurs idées politiques. Mais on peut présumer qu'ils partagent celles du groupe auquel ils appartiennent. La loyauté des militaires à la Couronne ne saurait être mise en doute. Et l'on connaît les revendications de la classe des marchands.


La situation des maçons francophones est assez semblable à celle que je viens de décrire. De ceux-ci, onze sont Canadiens. Ce sont Jean-Baptiste Céloron de Blainville, Michel Chartier de Lotbinière, Charles Curotte, Benjamin-Matthieu d'Amours de Clignancourt, Pierre Gamelin, René-Ovide Hertel de Rouville, Louis Jarret de Verchères, Jean-Antoine de Lorimier, François-Marie Picoté de Bélestre et Simon Sanguinet. Honoré Dubois de la Miltière et Chabrand Delisle, qui a été formé en Suisse, sont Français. C. J.(John) Dumoulin,Louis W.(Laurent) Ermatinger et Jean Rochat sont Suisses. Tandis qu'un autre est né aux Etats-Unis d'un père français et d'une mère américaine; c'est Jean-Guillaume De Lisle qui appartiendra également aux Frères du Canada. Mais la famille de ce dernier semble s'être installée à Montréal alors qu'il était très jeune. Il y fit toutes ses études. A cette liste, il faut encore ajouter un maçon du nom de Avrard ainsi qu'un visiteur canadien du nom de Le Moine. Sans doute s'agit-il de Jacques-Joseph Le Moine qui a pu être initié soit dans la colonie, soit dans les Pays-d'En-Haut où l'ont conduit ses affaires, soit encore en Europe où il a séjourné après 1763.
Ces maçons francophones de Saint Peter's appartiennent à la bourgeoisie mis à part sept membres de la noblesse (Blainville, Clignancourt, Lotbinière, Rouville, Verchères, Lorimier et Bélestre). Ils sont nés dans les années 1730 sauf Blainville (1729), Lotbinière (1723), Bélestre (1716) et Rouville (1730) qui sont plus âgés, parfois même d'une génération. Ils ont été initiés à Saint Peter's n° 4 en 1768, 1769 et 1770 quoique huit d'entre eux dont cinq Canadiens l'avaient été précédemment (Curotte, Delisle, Dumoulin, Gamelin, Bélestre, Le Moine, Rochat et Verchères) mais sans que l'on sache ni où ni quand. Et, en 1772, ils auront quitté la loge à l'exception de Chabrand Delisle et d'Ermatinger. Initié en 1780, Chabrand Delisle restera fidèle à la loge jusqu'à sa mise en sommeil en 1792. Et Ermatinger ne démissionnera qu'en 1784. Quant à Jean-Guillaume De Lisle, qui ne sera initié qu'en 1791, il se retirera l'année suivante. En somme, le séjour en loge a généralement été assez court et l'assiduité aux tenues, fort relative.
Quelques-uns des maçons canadiens ont voyagé. Bélestre, Blainville, Gamelin, Le Moine et Lotbinière se sont rendus dans les Pays-d'en-Haut où s'est probablement manifesté une activité maçonnique. Gamelin, Le Moine, Lotbinière et Rouville ont séjourné en France. Comme on l'a vu, Le Moine y a peut-être été admis dans la franc-maçonnerie. Et si Gamelin ne l'avait pas été auparavant, il le fut à ce moment. Autrement, il n'aurait pu rapporter une constitution maçonnique qui, comme on le verra, est peut-être à l'origine des Frères du Canada. Tandis que Bélestre, Ermatinger, Gamelin, Le Moine et Rouville ont été amenés en captivité dans les colonies américaines au moment de l'invasion de 1775.
Du temps qu'ils fréquentent la loge, les francs-maçons occupent diverses fonctions dans la société. Jean-Guillaume De Lisle pratique le notariat; Curotte. Dumoulin, Ermatinger. Gamelin, Le Moine et Sanguinet s'adonnent au commerce. Rochat, Bélestre, Blainville, Lorimier et Verchères poursuivent des carrières militaires, les quatre derniers après avoir d'abord servi le roi de France. Bélestre, Blainville, Lorimier et Rochat sont fonctionnaires. Tandis que Chabrand Delisle exerce à divers endroits son ministère d'aumônier anglican. Certains des maçons jouent un rôle politique. En 1765, Jacques-Joseph Le Moine est chargé de voir à la nomination de huit députés montréalais qui iront défendre à Québec et à Londres si nécessaire, les intérêts des bourgeois francophones. Il écrit à Perrault, son correspondant à Québec: «Nous avons suivants vos dezires nommés huit d'Eputés pour ce trouver à Quebec lorsqu'il sera convoqué une assemble Genaral pour le bien commun». Dix ans plus tard, avec Sanguinet et quelques autres, il doit lever des troupes capables de repousser les envahisseurs américains. Tandis que Gamelin se rend en Angleterre avec Jean-Baptiste-Amable Adhémar, Jean De Lisle, le père de Jean-Guillaume, William Drummer Powell et Thomas Hussey. Les membres du groupe entendent obtenir l'autorisation de créer un évêché à Montréal, de faire venir des prêtres de France et aussi de modifier les structures des systèmes politique et judiciaire de façon à ce qu'ils soient plus conformes à ceux de l'Angleterre. Plus tard, après l'acte constitutionnel, on retrouvera Lotbinière et Lorimier à la Chambre d'assemblée tandis que Bélestre siégera au Conseil législatif où il se rangera du côté du french party.
D'autres maçons s'affirment sur le plan social. Si De Lisle participe à la création d'un théâtre, il rédige en 1789 pour les marguillers de Notre-Dame un projet de réforme du Collège de Montréal dans lequel on lit:
(...) quoique l'ancienne Méthode d'enseigner la jeunesse de notre ville dans notre Collège ait produit jusqu'à présent d'assez bons effets, elle n'a néanmoins pas entièrement répondu aux vues qu'on doit toujours se proposer dans l'établissement d'un Collège qui appartient au public, lesquelles doivent toujours être plus générales; qu'on s'y est bien à la vérité, efforcé de rendre nos enfants capables d'entrer dans l'État Ecclésiastique, mais que ceux qui n'ont pas eu cette Vocation, sont rentrés chez leurs parents. Ignorant entièrement tout ce qui est nécessaire pour se soutenir et s'avancer dans le monde; que plusieurs d'entre eux, dédaignant la profession manuelle de leurs pères, ont cru se ravaler en suivant leurs métiers, et étant trop âgés pour s'assujetir aux devoirs d'écriture, d'arithmétique et autres branches essentielles pour tout état et particulièrement celui du Citoyen, ils sont devenus des êtres à charge à leur famille, souvent des objets de scandale à la religion et presque toujours des membres inutiles à la patrie. - Que pour prévenir et corriger ce vice dans l'éducation et la rendre plus générale: Que le dit collège sous l'inspection du Supérieur ou Grand Vicaire de cette ville, conjointement avec les Marguillers en exercice, sera pourvu, outre les Maîtres du latin, d'un d'écriture, arithmétique,
geographie, mathématique et anglais (...).
C'est vouloir adapter le Collège de Montréal aux exigences des professions libérales et, plus largement, aux besoins de la société. En 1790, De Lisle appuie la démarche par laquelle les sulpiciens réclament à Lord Dorchester une charte qui leur permettrait de fonder un collège-université à Montréal. La même année 1790, Sanguinet lègue par testament la somme de 11,000 livres pour la création d'une université d'état. Malheureusement, ses héritiers réussissent à faire invalider la disposition! Mais le geste a été posé.
Les francs-maçons de Saint Peter's No 4 n'ont pas cru bon de faire part à la postérité de leur expérience maçonnique. Aucun n'a publié à part Chabrand Delisle dont on possède le Sermon funèbre prononcé à l'occasion de la mort de Mr. Benjamin Forbisher, mais ce texte se ressent d'un christianisme de la frayeur face à la vie et à la mort et non d'une démarche initiatique vers la lumière.

On ne peut affirmer l'existence d'une pensée propre à la loge. Les membres de la noblesse s'accommodent fort bien, en 1775, d'un conseil législatif qu'ils associent à une chambre des lords. C'est pourquoi ils n'interviennent pas. Tandis que les bourgeois qui, à l'encontre des précédents, sont marqués par leur temps appellent la création d'une chambre des députés qui leur permette de faire passer dans les faits leurs conceptions politiques. Ils l'obtiendront longtemps plus tard après avoir mené une action soutenue. Ils cherchent également à modifier le système d'éducation. En somme, les francs-maçons ont exprimé des préoccupations de classe. Mais on relève des dissidents. C'est ainsi qu'en 1775 le marquis de Lotbinière, à la façon de certains «anciens sujets britanniques», prend fait et cause pour les envahisseurs américains contre lesquels luttent les membres de sa classe comme aussi la plupart des bourgeois francophones.
Les maçons francophones, du moins les canadiens, semblent être restés fidèles à la foi de leur enfance, mais sans que nous puissions juger du degré de leur ferveur et de leurs convictions. Gamelin et De Lisle fréquentent la loge en même temps que l'église. Tous deux occupent des fonctions à la fabrique de Notre-Dame de Montréal, l'un comme marguiller et l'autre comme secrétaire. Tandis que les convictions des Français et des Suisses ne nous sont pas connues sauf dans le cas de Chabrand Delisle qui est passé du calvinisme à l'anglicanisme. Il en a sans doute été de même d'un militaire comme Rochat.
Peut-être n'est-il pas inutile de signaler que des liens de parenté, d'amitié et d'intérêt unissent tous ces francs-maçons, sans considérations de classe, quoique souvent les membres de la noblesse se soient retrouvés entre eux comme d'ailleurs ceux de la bourgeoisie. En voici des exemples. Chez les bourgeois, Curotte épouse une Dunière dont la famille est alliée à celle des Le Moine qui l'est avec celles des Guyon, des Trefflé-Rottot, des Lecompte-Dupré, des Gamelin et des Sanguinet. Voire, à toutes celles qui s'adonnent au commerce et à la traite des fourrures. Gamelin s'en va revendiquer à Londres avec Adhémar et quelques autres. Le Moine s'adonne aux affaires avec un correspondant de Québec qui est l'oncle de Joseph-François Perrault, le «père de l'éducation». En 1775, il organise la défense de Montréal avec un aristocrate, le chevalier Joseph-Dominique LeMoyne de Longueuil et avec des bourgeois comme Pierre-Méru Panet, Saint-Georges Lecompte-Dupré, Henri Mézière, Simon Sanguinet et Louis Guy. Des liens existent également entre les familles de la noblesse. Rouville épouse une Verchères et Clignancourt, une Lorimier. En sorte que, par les ramifications de la généalogie ainsi que par les liens de l'intérêt et de l'amitié, les francs-maçons francophones de Saint Peter's no 4, et les bourgeois bien davantage que les membres de la noblesse. peuvent exercer une influence sur leur milieu comme ils sont eux-mêmes marqués par le groupe social auquel ils appartiennent.
De la loge les Frères du Canada nous sont parvenus une médaille en forme d'écusson surmontée d'un tau et d'une bélière ainsi que les cinq documents suivants:

1- Le procès-verbal de l'élection de Jean-Guillaume De Lis-le comme maître de la loge, au Café Sulivan de Montréal, le 22 février 1790. Le sceau qui authentifie le document reproduit l'avers de la médaille décrite plus haut avec en exergue l'inscription Les Frères du Canada.
2- Une liste non datée des frères de la loge de Montréal.
3- Une convocation à une tenue des Frères du Canada de Québec afin de discuter d'une proposition de mise en sommeil de la loge. Elle est datée du 8 juin 1788.
4- Une chanson intitulée Aux Frères du Canada.
5- Le discours prononcé par le frère Delisle «à la fête qui
doit être célébrée annuellement dans la dite société au
sujet de Son altesse Royale, le prince William Henry», le
13 septembre 1788.
Le premier des documents est conservé aux archives judiciaires de Montréal où Massicotte l'a découvert. Tandis que les autres appartiennent au Fonds Louis-Charles Foucher qui a été déposé à la Bibliothèque Saint-Sulpice avec le Fonds Baby. Ils se trouvent maintenant à l'Université de Montréal. Une copie en a été faite pour les Archives nationales du Canada à Ottawa. Tous ces documents ont été reproduits au complet par Fauteux à l'exception du dernier qui ne l'a été que de façon fragmentaire. La loge a fait l'objet de quelques travaux qui permettent de compléter la documentation.
Sur le moment de la création de la loge Les Frères du Canada que d'aucuns ont erronnément perçue comme une association sans rapport avec la franc-maçonnerie, diverses dates ont été avancées. Holmes la fait remonter à 1721. Selon lui, il s'agirait de la loge Les francs-maçons régénérés qui, à l'époque du changement d'allégeance, aurait troqué son nom d'origine contre celui des Frères du Canada. Je crois avoir montré ailleurs que, de toute manière, la date de 1721 est trop hâtive car nulle loge pu être fondée en Nouvelle-France à cette époque. Tout récemment, les auteurs de La vie littéraire au Québec ont avancé celle de 1786 sans préciser leurs sources. On pourait prolonger cette liste d'erreurs. Pourtant, en 1926, E.-Z. Massicotte a publié dans le Bulletin des recherches historiques un document qu'il avait découvert et qui, hors de tout doute, donne la date de 1785 comme celle de la fondation. Il se lit comme suit:
À une assemblée des Frères du Canada tenue au Café Sulivan, ce jourd'hui vingt deuxieme février mil sept cent quatre vingt dix. A Frère Jean Guill. De Lisle Salut.
Nous vous avons nommé et choisi, vous nommons et constituons par ces présentes. Maître des Frères du Canada etc. de notre ordre: Voulant que vous jouissiez des prérogatives attachées à cette dignité, et voulons en outre que les présentes servent partout où besoin sera.
Car tel est Notre Volonté
Donné à Montréal, le 22me février mil sept cent quatre vingt dix, sous le sceau de Notre Ordre et la cinquième de notre Institu...

Par ordre de l'assemblée Herse

garde sceau Louis Lardy Mc Lumsden Jos Provan J.C. Leprohon Ph. de Rocheblave Jos Roy Pierre Marassé.

Malheureusement, le document ne précise pas d'où la loge tire son origine.
La loge Les Frères du Canada a pu être créée par des maçons initiés en Nouvelle-France à la fin du régime français ou encore par des maçons français passés dans la colonie avant ou après le traité de Paris. A moins que ce ne soit par des maçons canadiens. Il n'est pas impossible non plus qu'elle soit issue de la Grande Loge de France par le truchement de la constitution que cette obédience avait octroyée à Pierre Gamelin lors du séjour de celui-ci à Paris en 1766 et que la Provincial Grand Lodge avait refusé d'enregistrer. D'ailleurs Victor Morin, sans donner ses sources, affirme qu'elle émane du Grand Orient de France. Sauf qu'à l'époque le Grand Orient n'a pas encore succédé à la Grande Loge de France! - Il se peut également qu'elle ait été fondée par la Grande Loge des Anciens de Londres; auquel cas on peut se demander si la visite qu'a effectuée aux Frères du Canada le prince Guillaume-Henri n'a été que le fruit du hasard car, par ses frères, il n'était pas étranger à la franc-maçonnerie. En effet, le duc de Kent, qui devait séjourner au Canada à partir de 1791, a été grand-maître de la Provincial Grand Lodge of Lower Canada, une obédience relevant de la Grande Loge des Anciens de Londres, puis, en 1813, grand maître de cette dernière. Lui a succédé le duc de Sussex qui a présidé à la fusion des deux obédiences britanniques, soit celles des Anciens et des Modernes. Faute de documents, il faut formuler des hypothèses, mais des hypothèses qui sont fort plausibles et qui montrent que la loge a pu être créée de bien des façons. En 1788, elle essaime à Québec et, en 1816, elle reçoit une charte de la Provincial Grand Lodge of Lower Canada, celle dont le prince de Galles a été le premier grand-maître. Quoique certains historiens ne voient pas de solution de continuité entre la loge du XVIIIe siècle et celle de 1816. Mais il aurait été assez peu vraisemblable qu'en une même ville et à une même époque deux loges portent le même nom. Elle est mise en sommeil vers 1830.
L'extrême pauvreté des sources ne permet pas non plus de suivre l'évolution des Frères du Canada. Les positions politiques et sociales de la loge demeurent mal connues; elles ne peuvent être précisées, et encore, que pour l'année 1788. Elles ont pu être différentes dans les années qui ont précédé comme dans celles qui ont suivi. Par exemple, au moment de l'invasion de 1775, certains des futurs maçons ont pu accueillir favorablement les Américains et souscrire à l'idéal qu'ils représentent. D'ailleurs, Fleury Mesplet, qui est chargé de la propagande des envahisseurs, s'est lié d'amitié très tôt avec plusieurs d'entre eux et l'un de ses assistants, l'ouvrier-imprimeur Jacques-Clément Herse, fera partie de la loge. Mais il se trouve qu'en 1788, c'est-à-dire à l'époque d'où émanent les rares documents dont on dispose, un traité de paix vient d'être signé entre la Grande-Bretagne et les représentants du Congrès, et Fleury Mesplet, le «diffuseur des Lumières», a promis de ne plus s'attacher aux relations Etats-Unis-Grande-Bretagne. Plus tard, à partir de 1791, les excès de la Révolution française détourneront peut-être certains maçons de l'idéal des Lumières. Sauf que, durant toute cette période, la bourgeoisie ne cesse de réclamer un système politique qui la satisfasse mais sans vouloir rompre le lien colonial. Elle est à la veille d'y parvenir.
Les membres des Frères du Canada dont la moyenne d'âge est d'environ trente ans appartiennent à la génération qui suit celle de Saint-Peter's n° 4. Sont originaires du Canada Joseph Borel, Charles Courtois, P.-E. Desbarats, Louis Frémont, Pierre-Rémy Gagnier, Pierre Grizé, Joseph-Claude Hubert, Antoine Janson-Lapalme, Félix Joly, Pierre Labadie, Ignace Lacroix, Gaspard Tarieu de Lanaudière, Gamelin Launière, Jean-Pierre Laviolette, Louis Le Foureur dit Champagne, Joseph Le Moine, David Lukin, Pierre Marassé, François Marin-Durand, Gaspard Massue, Antoine-Méru Panet, Bonaventure Panet, Pierre-Louis Panet, Joseph-Marie Papin, Joseph Roy, Joseph Saint-Germain et Antoine Tabeau. A cette liste, il importe d'ajouter les noms de McLumsden et de Jos Provan qui se trouvent sur le document reproduit par Massicotte ainsi que celui du capitaine François Boucher. Tandis que Jean-Baptiste Jobert, Jean-Baptiste de Milon, Étienne Dumeyniou, Philippe Rastel de Rocheblave, Louis Lardy, Étienne Fournier, Philippe Leprohon et Jacques-Clément Herse sont nés en France. Les deux derniers ont cependant séjourné dans les colonies américaines avant de s'installer au Canada. Jacques-Guillaume De Lisle, qui appartient vers le même temps à Saint-Peter's n° 4, est né à New York d'un père originaire de Nantes et d'une mère américaine. Alexander Henry est Américain. Quant à James Hallowell, on ne sait rien de ses origines.
Les francs-maçons des Frères du Canada s'adonnent à des occupations bourgeoises même quand ils sont issus de la noblesse comme Philippe Rastel de Rocheblave. Six d'entre eux sont membres des professions libérales: Jean-Baptiste Jobert et Charles Courtois sont médecins; Jean-Guillaume De Lisle, Pierre-Rémy Gagnier, Pierre Lukin et Pierre-Louis Panet sont notaires. On relève les noms de treize négociants: Joseph Borel, Étienne Dumeyniou, Louis Frémont, Pierre Grizé, Jacques-Clément Herse, Jean-Pierre Laviolette, Philippe Leprohon, Pierre Marassé, Gaspard Massue, Antoine Panet, Bonaventure Panet, Joseph-Marie Papin et Joseph Roy. Certains se livrent au commerce des fourrures comme Ignace Lacroix, Gamelin Launière, Pierre Marassé, Joseph Saint-Germain et Joseph Le Moine qui est le fils de Jacques-Joseph Le Moine de Saint-Peter's n° 4. Et parfois, sur une grande échelle comme James Hallowell, Alexander Henry et Philippe Rastel de Rocheblave. P.-E. Desbarats est à la fois fonctionnaire, imprimeur et entrepreneur en peuplement. De Milon, qui est peintre de miniatures, ouvre en 1789 une école pour jeunes filles où sont enseignés la broderie, l'écriture et le calcul. Trois francs-maçons sont seigneurs, Gaspard de Lanaudière, Joseph Roy et Gaspard Massue, et cinq siègeront comme députés, soit Antoine Panet (1792-1796), Bonaventure Panet (1792-1810), Pierre-Louis Panet (1792-1796), Philippe Rastel de Rocheblave (1792-1796) et Gaspard de Lanaudière (1769-1812). Cette façon de classer les uns et les autres est toute relative puisque certains d'entre eux exercent, parallèlement ou successivement, diverses professions. C'est le cas de Pierre-Louis Panet qui est également avocat, greffier de la cour des prérogatives, juge et officier de milice; et aussi, celui de Philippe Rastel de Rocheblave qui est aussi greffier du papier terrier.
Qu'ils appartiennent au milieu des professions libérales ou à celui des négociants. les membres de cette loge sont des bourgeois qui favorisent la création d'une chambre d'assemblée. Avec des députés comme Louis Guy et Joseph Papineau, ils enclenchent ce mouvement qui mènera à l'instauration du gouvernement responsable, mais sans qu'ils n'aient jamais remis en cause leur statut de sujets britanniques. Dans Le Discours prononcé [...] à la fête qui doit être annuellement Célébré dans la ditte Société, au sujet de Son altesse le prince Wm Henri Montréal le 13 Septembre 1788, Jean-Guillaume De Lisle exprime sans soute la position des uns et des autres, quoique d'une façon excessive, car il semble animé d'une telle volonté de flatter qu'il perd tout sens critique et toute retenue. De Lisle s'attache d'abord au prince Guillaume-Henri qu'il perçoit ainsi:
Il me seroit très inutile de vous tracer ici Les vertus d'un si jeune prince, qui fait tant d'honneur à sa Nation. Je ne pourrois que difficilement Le Louer autant qu'il le mérite. La Renommée vous en a déjà instruite, en vous apprenant que dès sa plus tendre jeunesse, Uniquement occupé d'etre utile à son Roi et a sa patrie, il consacra les plus Beaux jours de sa vie au Service de la Marine et a parcourir les domaines de son pere, donnant partout des marques de son Caractere vraiment Roial et de son ame Genereuse. Digne Rejetton de la maison de Brunswick, il sait Imiter les vertus de Ses ancêtres et se modeler sur son illustre pere, si digne de Regner sur les anglois [...].
Puis, il fait l'éloge de l'Angleterre «cette nation si généreuse et si digne du Bonheur qui L'accompagne» et aussi, celle de son roi:
Si Carthage se glorifie d'avoir produit des hamilcar et des annibals, si Rome se vante d'avoir eu des cesars, L'Angleterre peut également se glorifier et se vanter d'avoir pour princes Souverains des Brunswick, qui ne le Cedent en rien aux heros de L'antiquité.
Ce Grand Roi qui Regne Si Glorieusement sur nous, joint a une sagacité Naturelle, un esprit de penetration et de discernement dans le Choix de Ses Representants, et fait voir dans notre province, sa prévoyance Roiale en Confiant Le Soin de son Gouvernement au très honorable Lord Dorchester.
N'oubliant personne, De Lisle consacre au gouverneur un très long paragraphe. Et il termine ainsi:
Consacrons donc, Messieurs et frères, cette journée à la joie et au plaisir de nous voir Réunis dans cette fête; occupons nous du seul plaisir de vivre sous L'autorité du meilleur des Rois; formons des Voeux les plus Sincères pour la prospérité de La Grande Bretagne ce Grand et florissant État et Que la victoire L'accompagne dans toutes les Guerres que Ses ennemis pourront lui Susciter. Que notre Grand Monarque George trois, son auguste Épouse [Charlotte de Mecklembourg-Strelitz] et sa famille, jouissent d'une Santé parfaite et Que son règne soit long et heureux; Que son fils le prince William henri dont nous Celébrons aujourd'hui L'heureuse arrivée dans cette province, jouisse Également de la Santé et du Bonheur dans ses Courses Maritimes et qu'enfin notre très Digne et Respectable Gouverneur puisse Gouverner Longtemps Cette province et qu'il jouisse ainsi que sa dame et sa famille d'une santé parfaite.Suit le texte du Dieu sauve le roi.
Mais l'action des francs-maçons est sociale autant que politique.
S'inspirant d'un texte de Mesplet (1785), Pierre-Louis Panet propose en 1793 l'abolition de l'esclavage) et Philippe de Rocheblave condamne en 1789 l'attitude des seigneurs, sinon le régime seigneurial, comme aussi le comportement de la magistrature. Il vise le juge de Rouville qui avait appartenu à Saint-Peter's n° 4. Comme on l'a vu, Jean-Guillaume Delisle s'intéresse à l'enseignement. En 1789, il rédige pour les marguillers de Notre-Dame et à l'intention des Sulpiciens un projet de réforme du Collège Saint-Raphaël. Et cela, afin de préparer les étudiants non seulement à l'état ecclésiastique mais aussi à d'autres fonctions. L'année suivante, en signant une requête qui circule parmi les notables de Montréal, il appuie les Sulpiciens qui prient le gouverneur, Lord Dorchester, de leur accorder une charte leur permettant de fonder un collège-université à Montréal. En 1793, à la suite de Du Calvet, Philippe de Rocheblave recommande que soit admis l'usage du français à la Chambre d'assemblée et dans l'administration publique. N'était-ce pas vouloir accorder la parole à la majeure partie de la population? Par contre, l'un des francs-maçons du groupe de Québec, Pierre-Louis Panet, qui est intervenu en faveur des esclaves, est l'un des deux seuls francophones avec Dambourgès à s'opposer en 1792 au projet de loi visant à ce que seul le texte anglais des lois soit reconnu. Ce en quoi il se montre solidaire des bureaucrates c'est-à-dire des tenants du statu quo. Pierre-Louis Panet s'oppose également à la candidature de son cousin Antoine Panet à la présidence de la Chambre d'assemblée et ce, parce qu'il le juge incapable de s'exprimer en anglais. Mais le cas de Pierre-Louis Panet semble l'exception.
Deux membres de la loge participent à la diffusion des idées. Jacques-Clément Herse, qui a été recruté comme ouvrier-imprimeur par Fleury-Mesplet au moment où celui-ci est passé au Canada, continue probablement d'exercer son métier tout en s'adonnant au commerce. Mais Pierre-Édouard Desbarats joue en ce domaine un rôle plus déterminant. Fonctionnaire, traducteur à la Chambre d'assemblée du Bas-Canada puis à la Gazette de Québec, greffier-adjoint de la Chambre d'assemblée, imprimeur du roi pour le Bas-Canada, voire entrepreneur en colonisation, il participe à l'édition du Quebec Gazette Published by authority et à celle du Quebec Mercury. Et, à partir de 1798, on le retrouve imprimeur-éditeur. Seul ou associé à Roger Lelièvre, John Nielson, Thomas Cary ou John Charlton Fisher, il publie trente et un ouvrages. La carrière de Desbarats a été décrite par Claude Galarneau qui a fait l'historique de toutes les entreprises auxquelles il a été mêlé. Si Fleury Mesplet a été un «diffuseur des Lumières», Desbarats, lui, a été un diffuseur de connaissances. Son mérite n'est pas moins grand car ces dernières permettent de porter un regard plus juste et serein sur soi-même et sur les autres.

S'ils occupent des postes plus ou moins importants, ces maçons appartiennent à des réseaux grâce auxquels ils peuvent exercer leur influence. Borel, De Lisle, Herse, Lardy et Marassé, qui sont des familiers de Fleury Mesplet, comptent parmi leurs amis Louis Dulongpré, Pierre-Amable de Bonne, Joseph-François Perreault, François Roland, Louis Guy, Joseph Papineau, Simon Sanguinet et Jean-Baptiste Adhémar. On relève des liens de parenté entre Pierre Grizé et Pierre-Louis Panet, entre Dumeyniou et Sabrevois de Bleury, entre Bonaventure Panet et les familles Dunière et Trefflé Rottot auxquelles est allié Joseph Le Moine, lui-même proche parent de Franchère et de Gaspard Massue. Jobert est le beau-père de Joseph Frobisher et du ministre anglican Chabrand Delisle de Saint-Peter's n° 4; Laviolette, le beau-père de Jean-Guillaume De Lisle; Jobert, de Charles-Jean-Baptiste Chaboillez; Leprohon, de Georges-Barthelémy Faribault; et Gagnier, de Jacques Labrie dont la fille épousera le docteur Chénier de Saint-Eustache. On note également des associations d'intérêt. Louis Le Foureur, qui est organiste à Notre-Dame de Montréal, travaille à la décoration d'églises avec François Belleville et Denis Viger. Hallowell, qui compte parmi les actionnaires principaux de McTavish, McGillivray and Company, s'associe également à Benjamin et à Joseph Frobisher. Ainsi, par leurs rapports au inonde, les francs-maçons exercent-ils une influence certaine sur le milieu de la bourgeoisie.
S'ils ont défini et tenté d'imposer par leurs démarches la cité idéale, les Frères du Canada ont, par une chanson intitulée Aux Frères du Canada, tracé le profil du citoyen qui doit l'habiter:
Aux Frères du Canada
Vivons, aimons, chérissons la concorde Chantons l'amour qui nous a réunis. Dans nos plaisirs, évitons la discorde, Soyons toujours d'un seul et même avis. Vivons, aimons, chérissons la concorde Chantons l'amour qui nous a réunis.
Par ses égards que chacun se prévienne, Soyons polis, complaisans sans fadeur. S'il se glissoit entre nous quelque haine, De la chasser, engageons notre honneur. Vivons etc...
Que la vertu, jamais ne nous écarte. Énchaînons-la dans un juste milieu. Nourrissons-nous d'une joie délicate. Qu'aucun excès n'avilisse nos yeux. Vivons, etc...
Point de pédant, maudissons cette race. Redoutons-la autant que le poison; Elle décide toujours avec audace. Et bien souvent sans rime ni raison. Vivons, etc...
Dans nos plaisirs qu'aucune inquiétude Ne porte obstacle à nos amusements. Ayons pour nous cette aimable habitude De n'afficher que le contentement. Vivons, etc...
Par des bienfaits signalons notre Gloire, Soyons vertueux, à la mort à la vie;
Que tous nos noms au temple de Mémoire, A l'univers puissent porter envie.
Vivons, etc...
Que nos promesses ne soient point de Chimère. Appliquons nous tous à les maintenir.
Que notre amour soit ardent et sincère,
N'en oublions jamais le souvenir.
Vivons, etc...
Sur les débris du plus grand des naufrages, Dans le néant, dit-on, tout tombera, Consolons-nous en attendant l'orage, Et dans le temps se sauve qui pourra. Vivons, etc...

Ainsi doivent être pratiquées ces vertus maçonniques essentielles que sont l'amour d'autrui, l'équilibre, la franchise, la générosité et l'honnêteté qui permettent de vivre en harmonie avec soi-même et, par extension, avec autrui.
Dans l'ensemble, les membres des Frères du Canada et les bourgeois auxquels ils sont associés, souscrivent aux buts que poursuivent, à l'époque, les esprits démocrates mais sans avoir jamais remis en cause le lien colonial. Ils annoncent le mouvement des patriotes puis celui des réformistes des débuts de l'Union. Comme quoi les origines du gouvernement responsable sont lointaines. Ainsi ont-ils soutenu ce que le siècle a apporté d'essentiel sur le plan politique.
À l'instar des francs-maçons français du XVIIIe siècle, ceux de la fin du régime français puis de la «province of Quebec» témoignent de l'évolution de la société de leur temps. Avant 1763, ils se recrutent presque tous parmi une noblesse dont l'occupation est militaire en un temps où nul ne peut songer à exercer quelque influence politique que ce soit. Leur démarche n'a pu être qu'initiatique. La situation est différente après le traité de Paris. Les institutions qui sont alors mises en place, la séduction qu'exercent dans une certaine mesure le mouvement d'émancipation des colonies américaines, l'influence des idées des Lumières, voire le parlementarisme britannique lui-même, les incitent à oeuvrer à l'édification de la «cité nouvelle». Si la loge Saint Peter's n" 4 est surtout formée de nobles qui, comme ceux du régime français, ne se manifestent pas - Ils sont satisfaits de la situation. elle compte également quelques bourgeois qui, eux, revendiquent au nom de la démocratie. Puis, avec les Frères du Canada, se produit une mutation de classe assez semblable à celle que connaît la société. Car les nobles sont remplacés, à de rares exceptions près, par des bourgeois qui poursuivent le même combat que ceux de Saint Peter's n° 4, sauf qu'il est adapté au contexte issu de l'Acte de Québec. Ainsi, les francs-maçons de Saint Peter's n° 4 et des Frères du Canada s'inscrivent-ils dans un mouvement qui est celui des notables. Ils le marquent comme ils en sont marqués. Et l'Acte de Québec sera remplacé par l'Acte constitutionnel qui annonce le gouvernement responsable.
À cette époque, plusieurs autres francophones ont sans doute été initiés ailleurs qu'à Saint Peter's n° 4 et qu'aux Frères du Canada. J'en ai retracé quelques-uns. En 1772, Médard Gamelin appartient à la Grand Lodge of Quebec puisqu'il se voit offrir par celle-ci une constitution symbolique devant lui permettre de créer une loge à Détroit. Ignace-Michel-Louis-Antoine d'Irumberry de Salaberry, le frère du héros de Châteauguay, est initié à la loge Red Rose n° 2 de Halifax. Il fera partie du premier parlement. Au tout début du XIXe siècle, Joseph-Marie de Chavigny de la Chevrotière, qui se rend chez un cousin de la Martinique, voit son navire arraisonné par une frégate anglaise. Et il note dans une lettre du 29 juillet 1806: «J'ai été traité avec beaucoup de délicatesse de la part des officiers, comme sujet anglais et frère maçon». Joseph-Marie de la Chevrotière avait entrepris son voyage en 1803. Bernard Andrès vient de découvrir que Pierre de Sales-Laterrière a également été initié.
Les francs-maçons dont il vient d'être question permettent de penser qu'à l'époque de la «Province of Quebec» de nombreux francophones ont été initiés dans d'autres loges que Saint Peter's n° 4 et Les frères du Canada. Il faudra un jour en dresser une liste plus complète. Mais cette entreprise, qui per-mettrai sans doute de nuancer certaines affirmations formulées plus haut sans toutefois les remettre en cause, ne saurait être menée à terme tant et aussi longtemps que les chercheurs n'auront accès à certains dépôts d'archives. Si bien des documents ont été détruits, comme je le signalais en introduction, d'autres existent qui demeurent inaccessibles pour des raisons qui ne témoignent pas, somme toute, d'une bien grande confiance dans la lumière!

8:13 p.m.  
Blogger anti-macon said...

La franc-maçonnerie sous le régime français
État de la question

Par ROGER LE MOINE

La franc-maçonnerie spéculative moderne se développe au XVIIIe siècle depuis les Iles britanniques. La création de la Grande Loge de Londres remonte à la Saint-Jean d'été de 1717 et la publication des Constitutions de James Anderson, à 1723.
Bientôt, elle gagne le continent. Si, en France, l'existence de la loge Amitié et fraternité de Dunkerque, supposément fondée
en 1721, n'est plus admise, d'autres loges sont créées dont est attestée à partir de 1725 et de 1726. Les chartes sont d'abord octroyées par Londres puis par Londres et par des loges françaises jusqu'à ce que soit fondée, en 1728, la Grande
Loge de France. En 1740, on compte dans ce pays vingt-quatre loges dont quinze à Paris. Trois ans plus tard, leur nombre a
doublé. En 1762, il existe soixante-quinze loges à Paris et quarante-quatre en province. Le rappel de ces dates et de ces
chiffres n'est pas étranger à mon propos; il le situe si l'on songe que le régime français se termine en 1763 par le traité de Paris. ce moment, la maçonnerie, qui existe en France depuis bientôt trente-cinq ans, connaît un développement certain. De sorte qu'elle a pu provigner en Nouvelle-France comme elle l'a fait ailleurs, suivant en cela l'exemple de la maçonnerie
britannique qui avait commencé de se répandre dans le monde plusieurs années plus tôt.
Depuis le milieu du XIXe siècle, la question de la franc-maçonnerie en Nouvelle-France a été soulevée par quelques historiens. Le 31 janvier 1851, le secrétaire de la loge La Clémente Amitié de Paris, Hyacinthe Leblanc de Marconay qui a vécu au Canada de 1834 à 1840 s'adresse en ces termes au vénérable et aux membres de la loge Albion no. 17 de Québec:
Vénérable maître et Frères, vous avez l'avantage de posséder un des plus anciens temples de la Franc-maçonnerie, puisque son érection date de 1721...
Ce court passage, comme les textes qui s'en inspirent, appelle des commentaires. Mais on ne saurait les formuler sans avoir retracé l'histoire de la loge à laquelle Marconay fait allusion et dont la fondation serait contemporaine de celle de la loge de Dunkerque. Ce faisant, on rectifiera une erreur qui est à l'origine de toute une tradition.
Selon A.J.B. Milborne, Albion no 17 a d'abord été une loge militaire du Quatrième bataillon de l'artillerie britannique, laquelle a reçu sa charte en 1785 de la Grande Loge provinciale de l'état de New York, de l'obédience de la Grande Loge de Londres. En 1787, elle fait l'acquisition, comme cela se peut à l'époque, de la charte d'une loge mise en sommeil et dont la fondation remonte non à 1721 mais à 1752. En 1829, la loge de militaire devient civile et elle s'affilie en 1869 à la Grande Loge du Québec. Elle porte au registre le numéro deux. L'histoire de cette loge a également été tracée, quoique de façon plus ou moins exacte et complète, dans un long manuscrit anonyme qui, sur l'essentiel, recoupe les affirmations de Milborne. Il s'intitule Les loges de Francs-maçons dans la Province de Québec. Mouvement de leur population depuis 20 ans avec quelques notes historiques sur toutes les loges qui ont existé depuis 30 ans d'après les documents officiels. 1886. Les origines de cette loge sont donc britanniques et postérieures à la fin du régime français. Marconay a commis une erreur en la faisant remonter à 1721 et non à 1785 ou à 1752 selon qu'il soit tenu compte ou non de l'acquisition de la charte. Mais il ne lui a jamais prêté une origine française comme certains l'ont déduit à cause des dates avancées.
En 1851 également, un bon spécialiste de la maçonnerie pour l'époque, Emmanuel Rebold, affirme lui aussi, dans son Histoire de la Maçonnerie en Europe, que des loges ont été créées en Nouvelle-France dès 1721 et, précision que ne fournit pas Marconnay, grâce à des chartes de la Grande Loge de Londres. Ainsi, elles auraient été les plus anciennes d'Amérique puisque celles du Massachusetts ne remontent qu'à 1733. Mais, pas plus que Marconnay, Rebold ne tente d'expliquer par quelle voie, à une époque où les métropoles sont si jalouses de leur autorité, les chartes ont pu être acheminées de Londres à Québec ni par quel hasard la Nouvelle-France a été touchée par la maçonnerie avant la France et la Nouvelle-Angleterre.
D'autres historiens de la maçonnerie retiennent également la même date. C'est le cas de Ragon qui, dans son Orthodoxie maçonnique, s'inspire de Rebold. Il reproduit même son tableau chronologique de la progression de la maçonnerie dans les divers pays du monde. Mais, après Marconnay et Rebold, seul Charles E. Holmes apporte des éléments nouveaux.
Franc-maçon de la Grande Loge du Québec et historien de la franc-maçonnerie, propriétaire et éditeur du Masonic Light dans lequel il a publié nombre de chroniques, Holmes affirme dans deux textes que la loge québécoise a été fondée en 1721. Dans le premier, qui s'intitule True or False? Masonry in Quebec in 1721, il écrit que, portant le nom de Les francs-maçons régénérés, cette loge a reçu sa charte de Amitié et fraternité de Dunkerque. Et il ajoute - c'est le passage important - qu'il en a vu les registres pour la période 1721-1740 dans un musée anti-maçonnique de la rue de Rivoli au début du XXe siècle:
I visited a so-called anti-masonic museum, situated in an empty store on rue Rivoli, in Paris, where I was shown a minute book of this lodge covering the period fron 1721 to 1740.
Il s'empresse d'ajouter:
At that time I was not a Mason - it is not till fully a decade later I joined the Order - and was so little interested in the book shown me I merely glanced over it.
Holmes rédige son texte près de cinquante ans après son voyage en France et, en dépit de sa bonne foi, il a fort bien pu confondre les souvenirs de sa visite avec des réminiscences de lectures. Et comme il était alors admis que la première loge de France était celle de Dunkerque, Holmes n'a pu s'empêcher de conclure que celle de Québec, fondée la même année, en était
nécéssairement issue. Mais Holmes ne s'est probablement pas mépris sur l'origine des registres examinés rue de Rivoli. En sorte que, de ces textes sur la ou les loges du régime français, seul mérite d'être retenu le passage dans lequel est affirmée l'existence du manuscrit.
Tous ceux qui ont avancé la date de 1721 ont été pris à partie par Milborne qui résume ainsi sa position:
I do not deny the possibility of a masonic lodge in Quebec in the days before the Conquest. In my opinion however, no acceptable evidence has yet been produced to support the possibility.
Il est fort probable que Milborne comme aussi Harris qui raisonne de la même façon dans Freemasonry in Canada, refusent de croire à l'existence de la loge à cause de la date hâtive de sa présumée fondation.
Ces choses étant, la Nouvelle-France a compté ses maçons. Le grand-vicaire Mongolfier écrit à Monseigneur Briand le 20 janvier 1771:
Nous avons un grand nombre de Francs-maçons dans cette ville. Il y en avait quelques-uns, mais en petit nombre et cachés, sous le gouvernement français. Plusieurs de nos négociants ayant passé en France au temps de la révolution [c'est-à-dire au lendemain de la Conquête] pour y arranger leurs affaires, s'y s'ont laissé séduire. La liberté du gouvernement présent leur laisse celle de se manifester; et plusieurs ne craignent pas de le faire.
L'affirmation est claire. Aussi suis-je parti en quête de ces maçons, cas par cas. - D'où le caractère assez décousu des
paragraphes qui suivent. - Je pense en avoir découvert quelques-uns parmi les militaires français et canadiens de la guerre de Sept Ans. Et cela, en dépit de l'absence de loges militaires.
En effet, les travaux d'Alain Le Bihan et particulièrement son ouvrage intitulé Francs-maçons parisiens du Grand Orient de France montrent bien qu'aucune loge de ce type n'a existé en Nouvelle-France dans l'un ou l'autre des régiments qui y ont été cantonnés à la fin du régime français.
S'il s'en trouva dans chacun d'eux, ce fut après le retour en France. - Cette situation dont les causes sont imputables au développement même de la maçonnerie et non au contexte socio-religieux, ne devait pas empêcher les militaires d'appartenir à la maçonnerie. Rien ne s'opposait à ce qu'ils fussent initiés dans des loges civiles. C'est ce qui se produisit dans le cas de presque tous ceux, tant français que canadiens, dont il sera maintenant question.
Pour identifier les militaires français qui étaient maçons, il devrait suffire de comparer la liste de ceux qui ont été cantonnés en Nouvelle-France à la liste des maçons français de la même période. Or, si ces listes existent, c'est de façon incomplète. En effet, la première ne comprend que les noms des militaires qui ont été ou parties ou témoins à des actes de l'état civil, ce qui n'est pas le cas de la majorité d'entre eux. La seconde n'a été dressée que pour les seuls maçons des loges parisiennes et elle écarte les maçons de la province et des colonies. Malgré ces carences, une vérification permet de relever trois noms se retrouvant sur les deux. Il s'agit de ceux de Louis-François Estève, de Antoine-Raymond Hurteau et
de Joseph-Charles Roettiers de La Bretêche. Mais tous trois n'ont été initiés qu'à leur retour en France. Ils se trouvent dans la situation d'un officier célèbre, Louis-Antoine de Bougainville, qui ne fut reçu que le 23 février 1778, « en présence et, pour l'occasion, sous le maillet du sérénissime Grand Maître Louis-Philippe d'Orléans, duc de Chartres». A ces noms de militaires français, il faut encore ajouter celui d'un ingénieur, Jean Grelleau, qui fut vénérable de la loge La Constance de Montauban et qui, contrairement aux précédents, appartenait à la maçonnerie lors de son séjour en Nouvelle-France, N'eût été l'existence d'une loge dans la colonie, il n'aurait pu s'y voir conférer la maîtrise comme ce fut le cas.
Pour retracer tous les militaires maçons qui ont été cantonnés en Nouvelle-France, la recherche devrait déborder les frontières de la France et de la Nouvelle-France pour s'étendre à la plupart des loges d'Angleterre et d'Europe. Car certaines ont accueilli des militaires français qui sont ensuite passés en Nouvelle-France. On en connaît deux, soit le gouverneur marquis de Duquesne et un Français d'adoption, le baron de Dieskau, commandant des troupes régulières. Ils ont été initiés à la loge qui se réunissait à la taverne Horn de Westminster, le premier, en 1730, et le second, entre 1720 et 1723. pour compléter l'enquête, il faudrait pouvoir dépouiller les archives de toutes les loges européennes de la période. Or, la plupart d'entre elles ont disparu. Et le travail dans celles qui existent encore réclamerait de grands moyens.
Une autre loge étrangère, américaine cette fois, permet de passer des militaires français aux canadiens. Car si -Duquesne et Dieskau ont été initiés en Angleterre, des officiers canadiens ont appartenu, un temps du moins, à la loge La parfaite Union de New York. On le sait par un certificat de maîtrise décerné à Charles Daneau de Muy. Il se lit comme suit:
Les tenebres ne l'ont point conpris
A L'orient d'un lieu ou Règnent le silence la paix & l'union
A Toutes les loges légitimes de l'univers
Force Sagesse Beauté
Notre Grd Maître Reverendissime et Officiers de la juste et parfaite loge de St. Jean de Jerusalem. Située par les 40 degrés et 40 minutes Nord sous le titre de loge française de la parfaite Union, en vertu du pouvoir et autorité à nous donné par le Respble frere George Harison Ecuyer grand maître provincial, Certiffions et attestons à tous les veritables Frères des loges legitimes repandues sur la Surface de la terre que le frère Charles Demuy a été par nous initié jusque au grade de maître et qu'il nous a depuis aidé de ses lumières en se Comportant comme un Bon et véritable frère. C'est pourquoi Nous prions les frères de toutes les loges legitimes de l'univers de le reconnaitre comme tel lorsqu'il le requerera, leur prometant de faire meme accueil aux freres qui se presenteront à notre loge

Qu'en est-il de cette loge La parfaite Union et des signataires de l'acte ci-haut qui constitue le plus ancien document maçonnique connu concernant des Canadiens?
Dans une étude intitulée Ces filles du Grand Orient de France: les loges américaines de langue française. Pl:. délivrée le mercredi 16 avril 1966 (E:. V:. [c'est-à-dire ère vulgaire] à la R:. L'Atlantide franco-américaine, G.O.D.F., Or:. de New-York, Pierre-Henry Villars, tout comme Charles E. Holmes dans Loge de la Parfaite Union. 1760. A "Regular", French Lodge in which French-Canadians were initiated, se méprend sur les origines de La parfaite Union. Car si cette loge se compose de francophones et oeuvre en français -- Ce que laisse croire le certificat - elle n'a pas été créée par des maçons huguenots initiés en France comme Villars en a émis l'hypothèse, mais par la Grande Loge de Londres. En effet, comme il est précisé dans l'acte, elle relève de George Harrison qui est alors grand-maître de la Grande Loge provinciale de l'état de New York. - Harrison avait été investi de ses pouvoirs par la Grande Loge de Londres et il les exercera de 1753 à 1781, c'est-à-dire presque jusqu'au moment où, en 1784, la Grande Loge provinciale acquerra son autonomie. - La parfaite Union a plutôt été fondée pendant la guerre de Sept Ans si ce ne fut précisément en 1760, comme l'affirment Villars et Holmes, par des mercenaires francophones des armées britanniques qui, dans un contexte anglo-saxon, ont voulu appartenir à une loge dont la langue d'usage soit la leur.
L'origine et la carrière des signataires de l'acte permet de préjuger la composition de La parfaite Union. Les uns comme Jean Allaz, J.B. Rieux, Charles Rivez et Jean Rochat sont probablement tous des Suisses calvinistes qui ont rang d'officier dans les armées britanniques. Ils apparnnent soit au Soixante-sixième régiment d'infanterie, soit au Régiment de New York ou Troisième Bataillon.
C'est sans doute parmi ces mercenaires ou leurs compagnons d'armes qu'il faudrait chercher les fondateurs de la loge. Tandis que les autres sont des officiers canadiens. Ils se nomment Charles Daneau de Muy, Louis-Nicolas Minos, Antoine Foucher, Jacques Guichaud, Pierre Hertel de Beaubassin, Joseph Marin de La Malgue, Rameau de La Roche de Granval et Jean-Baptiste Testard Montigny.

Ces maçons canadiens qui se retrouvent à La parfaite union sont tous passés par le fort Saint-Frédéric ou encore par cette région où se sont déroulées les dernières grandes opérations militaires du régime français, mises à part celles de Québec et de Sainte-Foy. Testard de Montigny et Hertel de Beaubassin y vivent même depuis 1736 et 1744. Et ils sont faits prisonniers en 1758 ou en 1759. Leur cas est loin d'être unique. Dans une lettre du 21 juillet 1758, James Abercromby mentionne à Montcalm la capture de sept officiers et de «quarante-quatre bas officiers et soldats de troupes dans la seule affaire du 6». D'où, des captivités dans tel ou tel poste de la Nouvelle-Angleterre. Les projets d'échange ne se concrétisant pas, les Canadiens sont finalement regroupés à New York. Jeffrey Amherst écrit à Montcalm, le 10 septembre 1759, du camp de Crown Point:
Si l'échange de prisonniers n'a pas encore eu lieu, Votre Excellence, j'en suis persuadé, me rendra la justice de croire que je n'en ai pas moins l'exécution du traité à cœur. Je l'ai déjà prévenu des ordres que j'ai donnée pour faire rapprocher les vôtres des frontières; mais ils sont si éloignés et si dispersés que, jusqu'à présent, il ne m'a pas encore été possible d'y réussir. Dans ces circonstances, pour adoucir le sort de ceux faits à Niagara et à Carillon, je les ai faits transporter à la Nouvelle-York et ses environs, jusqu'à ce que l'échange pût avoir lieu; et, pour qu'ils ne manquent de rien, j'y ai envoyé un commissaire chargé d'ordres et d'argent, pour veiller à leur bon traitement et leur fournir ce dont ils pourront avoir besoin.
C'est ainsi que les prisonniers canadiens se retrouvent à la porte du temple. Dès lors se pose la question du lieu et du moment de leur initiation.

Sans doute Daneau de Muy a-t-il été initié à New York où il est passé d'apprenti à maître. Le certificat est clair là-dessus «...le frère Charles Demuy a été par nous initié jusque au grade de maître». Mais qu'en est-il des autres? Certains l'avaient probablement été en Nouvelle-France. Peut-on imaginer, par exemple, que Testard de Montigny, qui ne s'est pas retrouve à New York dans les jours qui ont suivi sa capture, le 24 juin 1759, aurait pu occuper le poste d'orateur de La parfaite Union le 16 avril 1761, c'est-à-dire moins de deux ans plus tard, s'il n'avait préalablement appartenu à la maçonnerie? Il ne s'agit pas ici d'une simple augmentation de salaire, d'apprenti à maître, mais d'une nomination à un poste d'officier important.Quant à Marin de La Malgue, il a incontestablement été initié avant sa capture, le 24 juin 1759, puisqu'en 1756 il a sauvé de la mort le général Israel Putnam tombé aux mains des Indiens et dont il a reconnu à certains signes les appartenances maçonniques. Quant à tous les autres signataires de l'acte, soit Duflos, Foucher, Guichaud, Rameau de Granval, ils ont été appelés à se battre dans la région du lac Champlain où, à la fin du régime français, le besoin de recrues s'est fait sentir. Et ils y ont été capturés. Mais rien ne permet de savoir s'ils ont été initiés en Nouvelle-France ou, plus tard, en Nouvelle-Angleterre.
Coïncidence ou pas, d'autres militaires et fonctionnaires, reliés à la franc-maçonnerie, ont séjourné au fort Saint-Frédéric ou dans les Pays-d'En-Haut. C'est notamment le cas de Pierre GameIin. Garde-magasin aux forts Saint-Frédéric et La Présentation, en 1758, il a la chance de rentrer à Montréal avant d'être capturé. Compromis dans l'Affaire du Canada, il se rend en France en 1766 afin de se disculper. Peu après son retour, en 1768, il demande à la Provincial Grand Lodge of Quebec à laquelle il appartient d'enregistrer une constitution octroyée par la Grande Loge de France. A la suite de sa démarche, le grand-maitre Edward Antill fait part de ses réticences dans une lettre qu'il adresse aux membres de la grande le 25 avril 1768. Il redoute une division des effectifs:
Brother Pierre Gamlin has a Grand Warrant from the Grand Master of France for the whole Province of Canada which is ordered to be registered in the proceedings here. As I thought it better to assemble promiscuously than set up any Distinctions as English & French workmen.
Tandis que, dans sa réponse à Antill, le 15 novembre 1768, le grand secrétaire provincial, John Collins, perçoit l'enregistre-ment de la constitution dans une perspective légaliste:

Notice was taken to what you mentioned of Brother Gamlin's having a Grand Warrant from France. Its expected that it was not though any view of puting the Warrant into use it was recorded in our Lodge Books; as the Grand Lodge apprehend it cannot be of any Force in this province...
À propos de cette constitution, Milborne conclut:
Nothing is known about the Warrant granted by the Grand Lodge of France to Pierre Gamelin, referred to his correspondence. It would be very useful to know when it was issued, but the paucity of records of the Grand Lodge of France at this period, destroys any prospect of ascertaining either the date or any other particulars concerning it.
Le texte de Antill est éclairant. Le passage qui suit, «which ls ordered to be registered in the proceedings here», montre que cette constitution a été délivrée à une époque où la maçonnerie française, par le jeu de la politique, a perdu son autorité sur la Nouvelle-France, celle-ci étant devenue colonie britannique. On peut penser que Gamelin, initié sous le régime français, a voulu continuer d'appartenir à une obédience française. À cette fin, il se serait fait octroyer cette constitution lors de son voyage en France en 1766. Et, après son retour, en 1768, il aurait effectué la démarche que l'on sait. Mais il est également possible qu'il ait été initié pendant son séjour à Paris. Auquel cas s'appliquerait à lui, entre autres, le passage suivant de la lettre de Mongolfier:
Plusieurs de nos négociants ayant passé en France au temps de la Révolution [c'est-à-dire au lendemain de la Conquête] pour y arranger leurs affaires, s'y sont laissé séduire.
Sauf qu'on imagine mal que, dans l'espace de quelques mois, Gamelin se soit vu conférer les trois grades et surtout confier une charte qui lui accordait prestige et autorité. En sorte que la première hypothèse demeure la plus plausible. Que devint le document émanant de Paris? Fut-il repris par des francophones désireux de se démarquer de l'Angleterre lorsque plus tard des tensions commencèrent à se faire sentir? Cela n'est pas impossible.
Peu après le traité de Paris, on retrouve parmi les dix-sept membres de la loge Saint Peter's no. 4, d'anciens militaires, administrateurs et bourgeois du régime français qui, comme François-Marie Picoté de Belestre, Michel Chartier de Lotbipierre Gamelin et Joseph Le Moine, ont circulé du côté du lac Champlain. Ils n'auraient sans doute pas adhéré si rapidement à la maçonnerie britannique, geste que d'aucuns attribué à de l'opportunisme, s'ils n'avaient été initiés sous régime français. Appartient également à Saint Peter's no. 4 un maçon de La parfaite Union, Jean Rochat.
Parmi ces personnages qui passèrent par Saint-Frédéric, l'a vu, certains étaient maçons et certains le devinrent par
la suite. En sorte qu'on est en droit de se demander si le fort n'a pas été le centre d'une activité maçonnique intense, voire si une loge n'y a pas existé. A défaut de documents permettant de répondre à la question, on peut se demander par quel
truchement cette fondation aurait été possible. D'abord, elle aurait pu se faire de la façon la plus simple, c'est-à-dire par
des maçons de Québec, de Montréal ou d'ailleurs qui auraient formé un triangle puis une loge en suivant la procédure normale qui était fort souple. Il y a aussi que le baron de Dieskau et ses officiers ont séjourné à Saint-Frédéric. Peu de temps sans doute. Mais certains exemples entraînent, si lorsqu'ils viennent de haut, en l'occurrence d'un supérieur hiérarchique. A moins que Dieskau, animé d'un prosélytisme qui est la marque des maçons de l'époque, ait lui-même l'initiative. Mais la lumière a également pu venir d'ailleurs.
Le fort Saint-Frédéric qui, incidemment, doit son nom à un franc-maçon, Jean-Frédéric Phélypeaux, comte de Maurepas, secrétaire de la Marine, était investi par des armée britanniques dans lesquelles les maçons étaient nombreux. Le 8 avril 1759 était créée la loge Lake George. L'année suivante, le grand-maître Jeremy Gridley était autorisé:
to congregate all Free and Accepted Masons in the expedition intented against Canada, at Lake George or elsewhere, into one or more Lodges as he shall think fit, and appoint proper officers.
D'où la fondation d'une autre loge, à Crown Point. Et comme les rencontres entre militaires des camps opposés étaient assez fréquentes, à l'époque, la question de la maçonnerie a pu y être abordée et des initiations se faire. En sorte que les courroies de transmission n'ont pas manqué.

Faudrait-il s'étonner de ce que la lumière de la maçonnerie ait pu être portée si loin? Sans doute pas si l'on songe que, beaucoup plus tôt, les jésuites avaient témoigné de leur ??? jusqu'en qu'en Huronie. Et on peut penser que des militaires qui, de la façon de nomades, avaient passé une grande partie de leur ??? dans les immensités sauvages du Nouveau Monde, c'est-à-dire loin des contraintes de la civilisation, aient acceuilli cette société initiatique qui s'accordait si bien à leur situation. N'était-elle pas essentiellement vouée à la libération de soi-même?
Les pages qui précèdent tentent de faire le point sur une question que les chercheurs ont négligée. Pour en vraiment traiter, il faudrait disposer de sources autrement plus abondantes. Cependant, sans vouloir solliciter les documents et les témoignages, on peut conclure à l'existence d'une maçonnerie sous le régime français. Le témoignage de Mongolfier ne saurait être mis en cause même si nulle loge n'a été retracée et que les maçons identifiés sont peu nombreux. Ces choses étant, une loge au moins a existé à Québec ou à Montréal. L'augmentation de salaire de Grelleau comme aussi le document de la rue de Rivoli en témoignent. Et les militaires qui appartenaient à la maçonnerie avant d'être faits prisonniers par les Britanniques et d'être admis à La parfaite Union, comme Testard de Montigny et Marin de La Malgue, ont forcément été initiés en Nouvelle-France puisqu'ils n'en étaient pas sortis auparavant. -- La situation de Gamelin est semblable à la leur. - La cérémonie d'initiation a pu se dérouler à Québec ou à Montréal à moins que ce ne soit dans la région du fort Saint-Frédéric qui, comme on l'a vu, a été un lieu de convergences. Voire, une loge a même pu y exister. On conçoit mal que les militaires de la région aient voulu appartenir à la maçonnerie tout en sachant qu'ils ne pourraient participer à des tenues. Quant aux origines de cette maçonnerie, elles ont pu être françaises. Plus on avance vers 1759, plus le va-et-vient est intense entre la métropole et la colonie. Mais rien ne s'oppose à ce qu'elles aient également été britanniques, du moins dans le cas de celle du fort Saint-Frédéric. On a décrit la situation géographique de ce poste face aux loges anglo-saxonnes qui servaient d'instruments de propagande.
Tel est l'état de la question. L'enquête menée, toute dificultueuse qu'elle ait été, n'a pas débouché sur des révélations fracassantes. Elle permet cependant de soutenir que la franc maçonnerie qui, au XVIIIe siècle, a étendu ses ramifications
tous les pays de l'occident, n'a pas laissé indifférente la société de la Nouvelle-France qui, on le sait par ailleurs, était à l'affût de toutes les nouveautés venant d'outre-mer. Les quelques maçons retracés en témoignent.

8:14 p.m.  
Blogger anti-macon said...

commentaire d'un lecteur au sujet de la Patente:

"Duplessis a déçu Lionel Groulx et mis l'Église à sa main.
Il devenait un homme de paille des Américains.
Un "Crown Agent" du district de Columbia en quelque sorte.
Les Jeunes-Laurentiens furent embrigadés dans la révolution anti-duplessiste.
Jeunes-Laurentiens, cela rappelle les mouvements mazzinistes.

La Patente avait un franc-maçon qui s'en occupait depuis la fondation.
Sans doute que l'Église fut séduite par l'outil de la franc-maçonnerie puisque depuis 1870, le Saint-Siège est aux mains des franc-maçons. L'Église reconnaissait la puissance des forces souterraines en politique. Dans les années 20, le KuKluxKlan était au faîte de sa puissance aux États-Unis. Les franc-maçons du Canada appliquait la Canada First policy, une sorte d'agenda orangiste.

Le clergé a cru bon devoir occuper le terrain et a recruté un franc-maçon pour fonder un réseau occulte canadien-français.
Union nationale entre les catholiques et les incroyants, entre les religieux et les franc-maçons.
Sauf qu'une fois la révolution lancée, on se débarrasse du généreux sponsor, l'Église catholique, qui fut le Fat Cat de la Patente.

Les Français ont pu pénétré nombres d'institutions canadiennes par la vertu de leur qualité de langage (Radio-Canada, les universités et les maisons d'éditions). C'est ainsi que le GODF pu s'établir en terre chrétienne du Québec, tel un virus."

3:34 p.m.  
Blogger anti-macon said...

Commentaire de big cat censuré sur le blog de Daniel Laprès.

Je suis un souverainiste pur & dur.
Mais moins anglophobe que je croyais être.

Il manque un côté de l'histoire à ce qu'écrit Hubert Reeves : que voulaient les chercheurs de McGill?
Hubert Reeves parle d'une impression. Est-ce bien la réalité que les chercheurs de l'UdeMtl ne voulaient pas collaborer avec ceux de McGill?
Et pourquoi que ce ne serait pas un réflexe de méfiance après plusieurs déconvenues.

Sachez que le département de Physique de l'Université de Montréal a collaboré dans le projet Manhattan au niveau des calculs physiques. J'ai connu ce département. Il y a des professeurs anglais et étrangers. Le directeur du département, Jean-Robert Derome, et bien son frère Jacques Derome fut directeur du Department Of Meteorology devenu Atmospheric & Oceanic Sciences à McGill. Je le sais parce que j'ai fréquenté ces deux départements et les deux universités.

J'ai un projet chéri. Sauf qu'on me mettra des bâtons dans les roues parce que je suis un nationaliste.

Je veux accomplir le rêve de James McGill : Une seule grande université à Montréal autant pour les anglophones que pour les francophones

James McGill voulut une institution supérieure d'enseignement où les étudiants canadiens-français (nouveaux sujets) cotoyeraient les étudiants britanniques (anciens sujets), où les catholiques fréquenteraient les mêmes classes que les protestants des différentes confessions.

Lui-même a migré du calvinisme presbytérien au catholicisme anglican (peut être par opportunité politique), et il épousa une veuve canadienne-française et adopta ses enfants. Amours transnationales, mais surtout un mariage dans un réseau de contacts qui l'ont aidé à prospéré dans le commerce de la fourrure.

James McGill est l'idéal de Trudeau. Dommage que vous détestiez Trudeau.

Il fit un important leg pour la fondation de sa Thélem. Il devait être combiné aux biens confisqués des Jésuites après la dissolution de cet ordre. Les premiers locaux de McGill furent installés dans un ancien collège jésuite, avant l'ouverture du campus de Burn Side (domaine familial des McGill). Mais les biens des Jésuites furent dilapidés par une série de détournements de la part de la clique qui dirigeait le Bas-Canada, ce qui amènera le parti des Patriotes à réclamer un gouvernement RESPONSABLE.

Côté franc-maçonnerie, les Anglos de cette époque se sont séparés de la Grande Loge Provinciale de Québec parce que les franc-maçons francophones commençaient à être nombreux et que le nouveau Grand-Maître fut issu de leurs rangs. Les Anglos ont formé la loge St.Paul et avaient à leur tête John Molson et Peter McGill. Peter fut le neveu de James, sans doute déçu d'avoir un moindre héritage suite au leg. C'est dans cette loge que s'est tramé un cop d'état visant à prendre le contrôle de Montréal, à faire arrêter les Patriotes sous de fausses accusations et mandatés grâce à la complicité de juges membres de cette loge. Malgré l'interdiction du gouverneur Gosford, le général Colborne a maintenu la milice du British Rifles Corps, devenue le Doric Club. Le coup d'état a démarré avec les émeutes du 6 novembre 1837, mais a failli de saisir tous les Patriotes. Vous connaissez la suite : les Troubles de 1837-38. Les francophones furent exclus des principales institutions. Dix ans après la fin des Troubles, le Parlement du Canada fut brûlé à Montréal par les gens du Doric Club pour le maintien de leurs privilèges et le refus des indemnités de guerre civile aux Canadiens-Français. Il n'était pas question que les francophones puissent avoir accès à McGill.

Les choses ont évolués depuis. Même s'il y a encore des Galganov. La majorité des anglophones du Québec ont une connaissance appréciable du français. L'université de Montréal fut l'université de l'élite canadienne-française de la métropole du Québec. Les Jésuites sont revenus et fondèrent le collège Brébeuf qui fut l'antichambre de l'Université de Montréal.

L'université McGill n'a jamais retourné aux Jésuites les biens confisqués, une fois la Société de Jésus reconstituée. Est-ce l'origine d'une autre clivage entre McGill et l'UdeMtl ? Déjà qu'il y a la langue (anglais/français), la foi (protestant/catholique), vint l'affiliation aux réseaux (franc-maçonnerie/jésuitisme). Les corps étudiants de McGill furent gouvernés par des fraternités franc-maçonniques tandis que les carabins furent gouvernés par des aumôniers jésuites ou dominicains.

Un système d'Apartheid (développement séparé) est instauré depuis et inscrit dans la Constitution de 1867. La goutte qui fait déborder le vase est l'acceptation de deux projets similaires simultanés de construction de deux méga-hôpitaux universitaires séparés par leur affiliation aux départements de médecine de McGil et de l'UdeMtl, respectivement. On procède ainsi aux fermetures de petits hôpitaux anglophones et francophones. Les factures montent vite et on ne peut échapper aux chicanes sur le partage des spécialités pour la complémentarité des services.

Mon point est que je veux un seul CHU bilingue pour desservir Montréal. Les médecins anglophones n'auront plus l'excuse d'être incapables de travailler dans un contexte francophone pour choisir de migrer ailleurs en Amérique du Nord. Les francophone auront cotoyé les anglophones. Et puis les patients n'ont pas à souffrir la différentiation linguistique selon les ressources disponibles

Mais il faut avoir une pleine collaboration des départements de Médecine des établissements respectifs.
Alors revenons à la fusion des institutions d' enseignement pour éviter les chicanes de voisinage.

Université McGill de Montréal
Montreal's McGill Université.

Ainsi les deux solitudes se brasseraient comme les Maroons se mêlèrent aux Habitants pour former les Glorieux Canadiens.

Évidemment que je m'attend à une réaction des Anglos qui ont déjà rejeté les fusions des municipalité du West Island avec Montréal. Ils voudront protéger leurs postes à McGill, comme il le font aux mairies de l'Ouest.

Quel est votre avis, m. Laprès ?

10:14 a.m.  

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