jeudi, mai 22, 2008

Tel que prédit ici l'an passé...

Le rapport de la commission Bouchard/Taylor sur les "accommodements raisonnables" vient d'être rendu public. Tel que prédit ici l'année dernière, ce rapport reprend l'essentiel des recommentations des mémoires déposés par les loges maçonniques "Liberté" et "la Libre Pensée" devant cette commission:

-Retrait du crucifix à l'assemblée nationale (Boisclair l'avait ordonné)
-Interdiction pour les juges, policiers et gardiens de prison de porter des signes religieux (ceci n'est qu'un début qui sera ensuite appliqué graduellement au reste de la population).
- Interdiction des prières aux conseils municipaux.
-Produire un livre blanc sur la laïcité
-Que le gouvernement fasse une promotion énergique du
nouveau cours d’Éthique et de culture religieuse (propagande)
-Transformation de la Commission des droits de la personne en un quatrième pouvoir, création d’un mystérieux « organisme de surveillance » des discours (police de la pensée?)

article de radio-canada

Nous aurons donc graduellement une laïcité à la française ici au Québec. De plus, il semble bien que le coulage de ce rapport dans le quotidien anglophone The Gazette fut bel et bien une diversion visant à faire dérailler le débat vers la bonne vieille rivalité anglais/français. (une "manip" bien entretenue par nos élites depuis toujours).
La journée même du dépot du rapport, l'oligarchie en place au parlement a décidé hypocritement et ce, dans un vote unanime, de ne pas retirer le crucifix de l'assemblée. Il s'agit là uniquement d'une diversion pour endormir le peuple. L'important pour l'oligarchie est d'imposer le nouveau cours "d'éthique et de culture religieuse" et ensuite, après une bonne dose de lavage de cerveaux à la soviet, le reste de l'agenda suivra...

extrait du mémoire de la loge "Liberté"page 16:
Bien sûr, cela implique que l’État doit également laïciser complètement ses institutions et les espaces publiques: disparition des crucifix catholiques des espaces citoyens ; interdiction des prières avant les assemblées publiques de conseils municipaux ; interdiction, pour tout représentant ou employé de l’État, du port de signes religieux distinctifs, dans le cadre de son travail, etc.

Lire aussi mes anciens post sur ce blog qui prédisant la "manoeuvre" des loges:
Dehors les crucifix!
Le mémoire de la loge "La libre pensée" de Québec à la commission bidon
SPÉCIAL COMMISSION BIDON

6 Comments:

Blogger anti-macon said...

Commission BT,
le lavage des cerveaux s'en vient:

[i]Que l’État encourage les projets et les initiatives permettant
aux membres des minorités ethniques de se faire davantage
voir et entendre devant le grand public (programmes de radio
ou de télévision, journées thématiques, etc.).[/i]
page 267

[i]Il y aurait lieu d’instituer des
journées thématiques prises en charge par des organisations très
visibles (dans le monde du sport, des loisirs, des variétés) ou
associées à des lieux, des sites très fréquentés (parcs, places…).[/i]
page 251

[i]Il revient aux gestionnaires et aux professionnels des médias
d’apporter eux-mêmes les correctifs qui s’imposent.[/i]
page 252

[i]Nous recommandons fortement au gouvernement de faire une
promotion énergique du nouveau cours d’Éthique et de culture
religieuse qui doit entrer en vigueur en septembre 2008.[/i]
page 261

6:01 p.m.  
Blogger anti-macon said...

En outre, il importerait de mettre à profit la contribution des
syndicats, des employeurs, des médias et des organismes
communautaires. Nous songeons aussi à d’autres correctifs qui
emprunteraient la voie institutionnelle et législative (donner plus
de moyens à la CDPDJ, créer un organisme de surveillance,
introduire dans la charte des dispositions contre l’incitation
publique à la discrimination, peut-être aussi y introduire les droits
culturels des minorités).
page 260

organisme de survéillance = police de la pensée?

6:06 p.m.  
Blogger anti-macon said...

http://pointdebasculecanada.ca/spip.php?article429

Rapport Bouchard-Taylor : fabriquer l’Homme Nouveau par la dictature de l’harmonie

vendredi 23 mai 2008

Le projet politique contenu dans le rapport Bouchard-Taylor incarne la vision d’un Québec ouvert car insignifiant, d’une société harmonieuse car informe et insipide, d’un citoyen ouvert d’esprit car incapable de juger, et surtout d’un avenir collectif qui en dernière instance ne sera l’avenir de rien ni de personne. Le rapport est juste assez épais, flou, scolastique et blablateur pour nous garantir que demain sera assurément bordélique - Jean-Jacques Tremblay, un jeune québécois lucide

Un jeune québécois nous a transmis son analyse du rapport Bouchard-Taylor. Nous la publions intégralement.

Vous pouvez lire les recommandations du rapport Bouchard-Taylor et en télécharger le texte intégral en cliquant ici : Le rapport Bouchard-Taylor est déposé, sous le titre "Fonder l’avenir - Le temps de la réconciliation"

Rapport Bouchard-Taylor : une brève analyse

La liste d’épicerie

Au menu de l’inénarrable Commission de consultation sur les pratiques d’accommodement reliées aux différences culturelles : construction d’une mémoire nationale post-canadienne-française vide et aseptisée, alignement de la production artistique et culturelle sur les intérêts de l’État et de sa nouvelle philosophie pluraliste, endoctrinement de la jeunesse à travers une néo-école transformée en appareil idéologique d’État, formation continue des employés de l’État qui devront ainsi incarner toujours mieux l’avant-garde extrême de la démence, alignement des subventions universitaires en recherche sur le nouveau crédo, financement d’une flotte de groupes communautaires politisés qui jour après jour oeuvreront à voir du racisme et de la discrimination là où il n’y en avait pourtant pas, instauration de la discrimination positive directe et indirecte à tous les niveaux de la société, transformation de la Commission des droits de la personne en un quatrième pouvoir, lutte contre le néo-libéralisme et les inégalités économiques, culpabilisation de majorités coupables d’être majoritaires, paternalisme présomptueux, haine de soi, ingénierie sociale et constructivisme désinhibé, congés religieux à la carte, soins de santé sur mesure, juridisation et de droit-de-l’homminisation du politique, étatisation du social, divinisation de victimes imaginaires, apologie du consensualisme, montage en épingle de cas humains poignants, jonglages sémantiques, rhétorique bien-pensante, novlangue décomplexée, etc.

Et surtout : le rapport Bouchard-Taylor est juste assez épais, flou, scolastique et blablateur pour nous garantir que l’avenir sera assurément bordélique.

Crise des perceptions

Selon Bouchard et Taylor, tout ne serait qu’une simple « crise des perceptions ». « Autrement dit, la vision négative des accommodements qui s’est propagée dans la population reposait souvent sur une perception erronée ou partielle des pratiques ayant cours sur le terrain. » Le grand responsable de cette perception négative ? « L’emballement médiatique » bien évidemment, ainsi que l’incurie et la naïveté d’une populace probablement composée de ces idiots pas vraiment méchants qui, tout en osant avoir des opinions non prescrites, ne sont même pas des intellectuels.

Fabriquer l’homme nouveau

Fait intéressant à noter : même si la crise n’était qu’une « crise des perceptions », et même si aucune « donnée ne permet d’affirmer que la discrimination serait plus présente au Québec qu’ailleurs », eh bien ça ne veut pas dire, pour Bouchard et Taylor, qu’il ne faille pas en profiter pour élaborer de beaux projets de société prométhéens. Nos deux sages sautent donc sur l’occasion, et recommandent ingénument que l’État bouleverse progressivement l’ordre social, qu’il instaure l’utopie et qu’il accouche de l’homme nouveau. Eh oui ! Selon Bouchard & Cie, « il importe donc d’agir en profondeur sur les rapports sociaux, sur les rapports de pouvoir, en conformité avec les exigences de ce que nous avons appelé le pluralisme intégral. » Et tout ça est très assumé : le dernier passage est même en gras dans le rapport.

Pluralisme intégral ? Comme c’est mignon ! L’« individu minoritaire discriminé » remplace ainsi le « prolétariat structurellement floué », et le « pluralisme intégral » se dévoile soudainement comme une nouvelle promesse de lendemains qui chantent, comme une nouvelle utopie qui, bien évidemment, requerra pour sa réalisation le financement d’une immense avant-garde éclairée destinée à prêcher la bonne parole et à décréter les bons règlements depuis des niches institutionnelles, communautaires et académiques aussi grasses que blindées. Et évidemment, Bouchard et Taylor soutiennent textuellement qu’on ne sait pas vraiment en quoi consiste l’« interculturalisme », prouvant ainsi que ce n’est qu’un simple prétexte à la tentative de concrétiser à large échelle des fantasmes intellectuels en dernière instance aussi vides qu’éthérés.

En perspective : des lois, des lois et encore des lois, le tout parallèlement à l’étatisation bien-pensante de la totalité du champ sociétal. Selon Bouchard & Taylor, il s’agit entre autres « pour l’État de se soucier de promouvoir des orientations et des politiques équitables, sensibles aux inégalités. Les objectifs de croissance doivent toujours faire place à une sensibilité sociale. L’État dispose aussi de quelques moyens de discipliner les entreprises. » L’éloge bouchardo-taylorien de cette « sensibilité sociale » va jusqu’à faire un baisemain au syndicalisme québécois, qui rappelons-le, est l’un des plus protégés et des plus omniprésents de la planète. Pourquoi le syndicalisme québécois doit-il être maintenu et encouragé ? Eh bien parce que la notion même de convention collective, en visant « à obtenir les mêmes droits pour tous les membres », est selon nos deux éminences intrinsèquement antiraciste, ce qui nous amène au plus profond du tréfonds des choses : moins les individus d’une société sont libres de leurs choix et mouvements, moins il y a de discrimination, car moins s’offre à l’individu la possibilité même de « discriminer ».

Dans le rapport Bouchard-Taylor, le concept d’égalité n’est jamais conceptualisé en tant qu’égalité devant la loi, mais plutôt, à la sauce Québec Solidaire, en tant qu’égalité de fait, en tant qu’égalité de niveau de vie, en tant qu’une égalité matérielle devant être proactivement implantée dans le tissu social à l’aide de l’appareil d’État. Pour nous inspirer, ils vantent même les « pratiques de partage » des autochtones ainsi que le supposé « égalitarisme qui imprègne la tradition des Québécois d’origine canadienne-française. » Et vous l’aurez deviné : Bouchard et Taylor adéquatent benoîtement réussite financière et éducation, évacuant l’évidence transhistorique selon laquelle les différences culturelles ont un impact net sur la prospérité et la réussite matérielle, dixit Weber.

En résultante, dans le merveilleux château de sable de Bouchard et Taylor, si un doctorant algérien en écologie n’obtient pas son 60k avec sécurité d’emploi à vie, c’est qu’il est assurément victime d’une discrimination systémique infernale qui, bien évidemment, se devra d’être réglée à coups de lois, de programmes, de subventions, de crédits d’impôt, de comités plurisectoriels et de discrimination positive multifacette. Cette approche a même déjà un nom : « l’intégration dans l’égalité ». La victime prévisible de tout ce dadaïsme institutionnel : probablement l’homme québécois de souche, ce privilégié qui en plus de battre des records mondiaux côté suicide pourra dorénavant continuer à le faire en sachant que l’échec de sa vie ira enfin dans le sens d’une plus grande harmonie sociale.

La prise en passant : interdire le néo-libéralisme

Ça peut paraître idiot et totalement décontextualisé, mais pourquoi ne pas profiter de la crise des accommodements pour assurer la pérennité du socialisme d’État tout en offrant l’intégralité des pouvoirs décisionnels au judiciaire ? Et effectivement, c’est bien ce que Bouchard et Taylor ont fait à travers cette incroyable recommandation : « Il importerait également que l’État renforce les droits économiques et sociaux déjà garantis par la charte en leur assurant une primauté sur toute législation québécoise au même titre que les droits civils et politiques (articles 1 à 38), ce qui n’est pas le cas présentement. »

Qu’est-ce que tout ça veut donc dire ? Eh bien tout simplement que la Commission Bouchard-Taylor recommande l’abolition radicale de toute la tradition politique libérale occidentale, et ce, telle qu’on la connaît depuis au moins Locke. Ainsi, dans le monde béni où se serait concrétisée cette merveilleuse recommandation, vous auriez « le droit inaliénable » que l’État vous fournisse un emploi, « le droit » que l’État vous soigne, « le droit » que l’État vous loge, etc. En d’autres termes, vous auriez tout simplement « le droit » au socialisme. En conséquence, le fait même de ne pas être un social-démocrate mur-à-mur serait ainsi en contradiction avec la charte, et donc inconstitutionnel. Conclusion pratique ultime de cette recommandation bouchardo-taylorienne : l’existence même d’un gouvernement non social-démocrate deviendrait légalement impossible.

Pourquoi cette proposition au beau milieu d’un rapport sur les accommodements raisonnables ? Tout simplement parce que nos deux professeurs sont des socialistes finis et des étatistes consommés. Ce à quoi ils aspirent du plus profond de leur âme, c’est d’offrir à une nouvelle race d’intellectuels-chercheurs et d’ingénieurs sociaux patentés un rôle sociétal enfin grandiose, et de donner ainsi sens à la vie d’une caste de crétins instruits. Et en effet, les postes ne manqueront pas quand on pense au management culturel intense et autoritaire que requerra la gestion quotidienne du pluralisme radical, sans oublier ce que demandera en matière grise l’actualisation concrète d’une égalité de fait entre les multiples vagues de l’océan toujours grandissant des groupes ethnoculturels analytiquement discernables.

Financer la fabrication du racisme

S’il est une chose qui suinte de toutes les pages de ce merveilleux rapport, eh bien c’est la supposée nécessité, pour l’État, de financer plus que jamais des milliards de groupes communautaires, de regroupements gémissants, d’associations anti-racistes, de groupes de recherche et autres niaiseries. Et croyez-moi, seuls ceux qui ont pu côtoyer ces atrocités de l’intérieur savent de quoi elles sont constituées : hystériques irrationnels, apôtres de la déconstruction de l’Occident, anti-nationalistes psychopathiques, communistes indous égarés, djihadistes mi-instruits, théoriciens du complot, impuissants verbeux, gosses de riches en révolte holistique, étudiants en études postcoloniales et autres monstruosités.

Plus il y aura de gens payés pour percevoir du racisme et de la discrimination, eh bien plus il y aura de racisme et de discrimination. Plus il y aura de gens subventionnés pour démontrer que des minorités sont opprimées par des majorités, eh bien plus il y aura de minorités opprimées. Les associations de gémisseurs et les théoriciens du Bien inventent activement les maux qu’ils dénoncent pour obtenir le remède qu’ils souhaitent. Et étant des crétins sans nom, ils ne savent probablement même pas que ce qu’ils veulent n’est en dernière instance rien d’autre qu’un grand goulag où une rectitude politique et mentale déferlante imprimera sa tendance jusqu’en la dernière parcelle de nos institutions, de notre vie culturelle et de nos propres consciences.

La dictature de l’harmonie

Léo Strauss, un penseur parmi les plus humbles, avait autrefois affirmé que nos sociétés libérales contenaient malheureusement en elles-mêmes le germe de leur propre destruction. Absorbées progressivement par leur idéal de tolérance, elles finiraient par ne glorifier qu’une seule et unique vertu, soit l’harmonie et la gentillesse généralisée, oubliant ainsi les vertus plus profondes qui seules savent pourtant fonder et rehausser l’âme d’un individu comme d’un peuple. L’amour-propre lui-même en viendrait à être considéré comme un vice, tandis que des élites aveuglées ne verraient plus la vertu que dans l’harmonie, la gentillesse, l’ouverture ainsi que dans l’acceptation non critique de tout et n’importe quoi. Avec la paix et l’harmonie sociale comme seules valeurs, comme seul projet de société, comme seul horizon, l’homme idéal des derniers jours ne pourrait logiquement être rien d’autre qu’un agneau bucolique insignifiant, incapable de porter un jugement moral sur quoi que ce soit, incapable d’affirmer quoi que ce soit, incapable d’être quoi que ce soit. Une pure ouverture à l’Autre. Un pur néant.

Le projet politique contenu dans le rapport Bouchard-Taylor incarne la vision d’un Québec ouvert car insignifiant, d’une société harmonieuse car informe et insipide, d’un citoyen ouvert d’esprit car incapable de juger, et surtout d’un avenir collectif qui en dernière instance ne sera l’avenir de rien ni de personne. Et à la base de la vision politique de Bouchard et Taylor, on ne retrouve rien d’autre qu’une mise à jour du bon vieux projet pastoral de la gauche dure : celui d’une élite éclairée qui, guidée par ses fantasmes et mirages, utilise ce monstre froid qu’est l’État pour se fabriquer activement et mécaniquement une population aussi nouvelle que totalement synthétique. Bouchard, Taylor ainsi que leurs clones sont des artistes, l’appareil d’État est leur pinceau et la population québécoise de demain leur belle œuvre d’art. Que dire de plus ? Probablement que ça n’aura jamais eu lieu, l’histoire étant toujours beaucoup plus impétueuse qu’on ne l’avait prévu, du moins tant qu’il y a des impétueux pour la faire.

9:46 p.m.  
Blogger anti-macon said...

Mathieu Bock-Côté dénonce le rapport BT. Notez la dernière phrase. L'auteur dénonce aussi la transformation de la commission des droits de la personne en organisme de censure.

http://www.ledevoir.com/2008/05/31/192114.html

Le Devoir de Philo - Marcuse, inspirateur de la commission Bouchard-Taylor

Le philosophe préférait une «dictature des intellectuels au pouvoir d'un peuple encore imparfait». Et les coprésidents de la commission ?
Toutes les deux semaines, Le Devoir demande à un professeur de philosophie, mais aussi à d'autres auteurs passionnés d'idées, d'histoire des idées, de relever le défi de décrypter une question d'actualité à partir des thèses d'un penseur.

Mise en place au printemps 2007 pour résoudre la crise des accommodements raisonnables, la commission Bouchard-Taylor se sera fait connaître à travers ses forums publics, qui auront révélé le malaise de l'intelligentsia québécoise par rapport aux classes populaires. Un malaise confirmé avec la publication du rapport final de la commission, il y a quelques jours. Plutôt qu'une simple expression de la condescendance des intellectuels envers les classes populaires, il faut plutôt reconnaître dans ce malaise le symptôme d'une transformation des rapports entre l'intelligentsia et le peuple depuis quelques décennies. Pour comprendre ce phénomène du point de vue de l'histoire intellectuelle, on croisera nécessairement plusieurs figures comme celles de Michel Foucault, d'Alain Touraine et surtout celle d'Herbert Marcuse.

Marcuse a connu ses jours de gloire grâce à Mai 68, quand la révolte adolescente trouva dans son oeuvre une théorisation de ses aspirations et de ses critiques de la société occidentale. Un peu oublié sur le plan philosophique, son travail fut toutefois d'une indéniable efficacité politique, comme la plupart des oeuvres générées par cette époque où un marxisme déréalisé sociologiquement s'était dévoyé en pur révolutionnarisme avec une critique de la civilisation prenant le pas sur l'analyse économique. C'est ce qu'on a appelé la nouvelle gauche, qui s'est fait connaître par une redéfinition stratégique du progressisme en misant dorénavant sur les «minorités marginalisées» au sein de la collectivité, qu'il fallait désormais parvenir à émanciper en entreprenant une critique radicale des institutions supposément responsables de leur mauvais sort. Déjà, le progressisme laissait entrevoir son basculement du socialisme au multiculturalisme avec sa sacralisation des minorités appelées à transformer la société.

Mais on oublie souvent que cette élection de nouveaux sujets historiques porteurs de «radicalité» reposait sur un constat sévère: celui d'une défiance avouée envers le peuple qui n'avait pas rempli le rôle que lui avait réservé la théorie révolutionnaire. Marcuse le constatait bien: mis devant la possibilité de la révolution, le peuple aura préféré s'en détourner en adhérant profondément aux institutions principales définissant la civilisation occidentale. Ainsi, il écrivait lucidement: «Qu'une conscience non révolutionnaire -- ou plutôt antirévolutionnaire -- prévaut dans la majorité de la classe ouvrière, cela saute aux yeux.» Et la société risquait de garder longtemps le peuple dans le camp conservateur. «Cette prise de conscience est absolument impossible pour la grande majorité de la population, qui est, en quelque sorte, à l'intérieur de la machine sociale.» Une nouvelle configuration politique se mettait en place. Pratiquement, la conclusion était simple: le peuple, voilà l'ennemi!

Le peuple n'est plus habilité à gouverner. Mais le gouvernement des hommes doit se poursuivre. Dès le début des années 1970, Marcuse voyait bien cette alternative et reconnaissait avec honnêteté préférer une éventuelle dictature des intellectuels au pouvoir d'un peuple encore imparfait. «Moi, en tout cas, je préférerais, si c'est là le choix, la dictature des intellectuels, s'il n'y a pas l'alternative d'une véritable démocratie libre.» Il n'hésitait pas à ajouter: «Il est nécessaire, pour une société civilisée, que des gens éduqués aient des prérogatives politiques pour combattre les sentiments, les attitudes et les concepts des masses non éduquées.» En atténuant un peu les formules, ne retrouve-t-on pas une semblable préférence dans l'intelligentsia progressiste désireuse de soustraire le pouvoir au peuple qui n'aurait pas encore été rééduqué par elle? C'est à tout le moins ce que semblait dire Gérard Bouchard, à l'automne 2007 lorsqu'il confiait au Devoir que les «gens qui ne sont pas des intellectuels mais qui regardent les nouvelles à TVA ou à TQS, dans le meilleur des cas au téléjournal», ne disposaient pas du capital culturel nécessaire à la compréhension des enjeux liés au multiculturalisme. La réaction de soulagement qui entoura la création de la commission nous le suggère aussi: enfin, on retirait des mains du peuple une question trop difficile pour lui. Les passions populaires allaient être remplacées par la raison progressiste.

Un peuple à transformer

Pour Marcuse, le peuple n'était pas prêt à la révolution et devait être transformé. Pour l'intelligentsia pluraliste, c'est la société québécoise qui n'est pas prête à se convertir au multiculturalisme et elle doit être changée pour la même raison. Nous entrons ici au coeur du rapport de la commission Bouchard-Taylor lorsqu'on y affirmait que la société d'accueil devait transformer sa représentation d'elle-même pour l'adapter au multiculturalisme (car nous ne ferons pas l'erreur d'accepter la distinction artificielle entre le multiculturalisme et l'interculturalisme que nous propose le rapport de la commission, dans la mesure où les deux «doctrines» reposent sur la révocation de la culture majoritaire comme culture de référence et le refus d'en faire un pôle de référence normatif pour les nouveaux arrivants). C'est probablement la principale thèse qui ressort d'ailleurs de ce rapport: la majorité francophone constituerait la principale entrave à l'élaboration d'une culture «vraiment commune» à l'ensemble du Québec. Cette majorité serait à la fois atteinte d'une tare identitaire congénitale en plus d'avoir une prétention hégémonique à se poser comme culture de référence pour l'ensemble de la collectivité. De là les innombrables campagnes de «sensibilisation à la diversité» ou «d'éducation à la différence» qui sont supposées transformer la conscience nationale pour mieux la disposer envers la société multiculturelle, pour «conscientiser» la société aux bienfaits idéologiques de sa fragmentation identitaire, pour lui permettre «d'intérioriser» la philosophie pluraliste. La chose exige évidemment de grands moyens.

Un camp de rééducation

Marcuse se posait déjà la question à l'époque: comment transformer massivement les mentalités populaires? Comment «rééduquer la population»? De ce point de vue, la politique a désormais pour fonction de transformer la société en immense camp de rééducation idéologique où l'identité nationale sera déconstruite pour permettre la mise en place de nouveaux mécanismes de socialisation qui déprendraient l'individu des traditions qui le façonnent. Marcuse faisait d'ailleurs de la construction de l'homme nouveau un élément central de son programme politique. «J'ai essayé de montrer qu'un changement présupposerait un refus total, ou pour employer le langage des étudiants, une contestation permanente de cette société. Et qu'il ne s'agit pas seulement de changer les institutions mais plutôt, et c'est plus important, de changer totalement les hommes dans leurs attitudes, dans leurs instincts, dans leurs buts, dans leurs valeurs.» Marcuse n'hésitait pas d'ailleurs à l'exprimer encore plus clairement: «Cela veut dire que la révolution postule d'abord l'émergence d'un nouveau type d'homme, avec des besoins et des aspirations qualitativement différents des besoins et des aspirations agressifs et répressifs des sociétés établies.»

Le vieux mythe de l'homme nouveau qui intoxique l'intelligentsia depuis trop longtemps prend aujourd'hui la forme du rêve d'un homme «sans préjugés» infiniment tolérant et inlassablement ouvert au dialogue. Ne retrouve-t-on pas cet aveu chez ceux qui veulent fabriquer au berceau l'homme sans préjugés dont la société adulte se refuserait d'accoucher? Lorsqu'on milite pour la conversion de l'école au multiculturalisme, comme en témoignent le sacrifice de l'histoire nationale à l'histoire multiculturelle ou la mise en place d'un programme d'Éthique et de culture religieuse (un programme dont la commission encourage la «promotion énergique»), on peut dire de l'État québécois qu'il a intériorisé cette utopie et qu'il entend désormais fabriquer un nouveau peuple, ce que les commissaires reconnaissent en disant vouloir construire une nouvelle culture commune, celle de la «citoyenneté interculturelle» qui serait enfin déprise de la culture nationale du Québec historique.

Mais le peuple réel rechigne. Il ne voulait pas de la révolution socialiste hier. Il ne veut pas de la révolution multiculturelle aujourd'hui, comme la controverse des accommodements raisonnables l'aura amplement démontré. On traduira donc de manière conceptuelle sa dissidence dans le langage de l'intolérance pour ne reconnaître dans la défense de l'identité nationale qu'une marque de xénophobie ou de racisme. Évidemment, de tels sentiments ne devraient pas être permis dans le débat public. Car le débat public n'est pas un espace sans contraintes, comme le reconnaissait Marcuse, qui distinguait les «contraintes progressistes» des «contraintes réactionnaires», les premières étant nécessaires pour émanciper la subjectivité (aujourd'hui on dirait les identités), les secondes limitant plutôt leur expression et devant pour cela être démantelées.

Marcuse croyait ainsi nécessaire l'exercice d'une tolérance répressive, manière comme une autre de reprendre le vieux slogan «pas de liberté pour les ennemis de la liberté» revampé en «pas de tolérance pour les ennemis de la tolérance». Cette manière de disqualifier moralement le peuple en criminalisant à la fois ses comportements, ses attitudes et ses aspirations s'incarne aujourd'hui dans le politiquement correct, qui sert principalement de dispositif idéologique pour censurer toutes les manifestations du monde contre lequel se construit le multiculturalisme. On pourrait aussi dire que le politiquement correct est l'instrument de disqualification sociale et juridique privilégié pour refouler hors du débat public les positions politiques qui contestent la sacralisation du chartisme multiculturel. Au nom de la lutte à l'intolérance, c'est la critique du multiculturalisme qui devra devenir au sens propre impensable.

Censure et discrimination

Une censure qui correspond à la volonté de criminaliser la dissidence par rapport au multiculturalisme. Cette volonté était explicitement présente dans le rapport de la commission Bouchard-Taylor, qui proposait «que la charte québécoise interdise l'incitation publique à la discrimination». Dans la mesure où on connaît la définition très élargie que les «sciences sociales» donnent aujourd'hui de la discrimination, on doit comprendre ici que le rapport de la commission propose d'interdire tout simplement la contestation publique du multiculturalisme. Si on suit les commissaires dans leur raisonnement, le simple fait de plaider pour faire de la majorité francophone le pôle de convergence de la communauté politique québécoise sera considéré comme un appel à la discrimination. Doit-on en conclure que la charte devrait désormais interdire la diffusion de certains écrits tardifs de Fernand Dumont?

Le point d'aboutissement d'une telle dynamique ne laisse pas de doute: la révolution culturelle a fini par générer un nouveau régime politique pour nos sociétés qui se déprennent subrepticement de la démocratie libérale. Le régime techno-chartiste repose ainsi explicitement sur la disqualification du peuple par un système idéologique qui criminalise ses manifestations. La lecture du rapport de la commission nous permet de voir à quel point les chartes sont désormais sacralisées et servent de texte fondateur pour réinterpréter toutes les interactions sociales au Québec. Le chartisme est certainement aujourd'hui l'héritage le plus net de la nouvelle gauche sur le plan institutionnel et doit être considéré comme l'instrument par excellence de désarmement et de neutralisation de la souveraineté populaire, qui est de plus en plus présentée comme une simple tyrannie de la majorité contre laquelle devrait s'imposer la technocratie progressiste. Il va de soi que les chartes, de ce point de vue, ne servent pas à préserver les libertés individuelles, mais bien à les comprimer.

Il y a quelque chose de fascinant dans le radicalisme idéologique, avec sa perpétuelle régression utopique. Hier, la société sans classes promettait une réconciliation des consciences dans un monde abolissant pour de bon l'aliénation générée par le capitalisme. Dans la société multiculturelle, il devrait seulement y avoir la perpétuelle réconciliation des différences s'enrichissant les unes les autres. Mais la promesse de la société idéale est toujours l'avant-dernière étape avant l'anesthésie des libertés. La chose devait désormais être reconnue: rien n'est plus intolérant qu'une philosophie qui réclame pour elle seule le monopole de la tolérance. Derrière les grands appels au pluralisme intégral, c'est une vieille tentation qui se dévoile sous une allure neuve. Une nouvelle tentation totalitaire.

11:11 a.m.  
Blogger anti-macon said...

ce blog mentionne parle de sociétés secrètes dans les universités québécoises
http://issopha.unblog.fr/2007/10/10/quest-ce-quune-societe-secrete/

Sociétés étudiantes

* Ordre avunculaire (Université Laval)
* Commandeurs de l'Ordre de Montcalm (Université d'Ottawa)

* Société secrète de l'Université du Québec à Montréal - Nom inconnu ou à confirmer (Université du Québec à Montréal)

9:43 p.m.  
Blogger anti-macon said...

J'ai trouvé ça dans le journal des Bérêts Blanc, "vers demain". Un point de vue original en tous cas.

[quote]La séparation du Québec
Un grand malheur pour le Canada Un grand malheur pour le Québec

Tout porte à croire que le Québec va se séparer bientôt du reste du Canada. Ce sera un grand malheur pour le Canada dont le Québec est une des plus riches et plus belles régions. Ce sera surtout un malheur pour le Québec.
Depuis plus de vingt-cinq ans, des forces occultes poussent le Québec à se séparer du Canada. Ces forces ne viennent pas du Québec mais de l'extérieur. Ce sont les forces ennemies du peuple québécois. Les forces maçonniques qui ne peuvent sentir un peuple catholique en Amérique du Nord. On a pu voir un peu leur vrai visage au lendemain du référendum (de 1980 au Québec) quand les Journalistes et les politiciens des neuf autres provinces exprimèrent leur mécontentement de la victoire du Non.

Qu'arrivera-t-il après la séparation? On n'a qu'à jeter un Coup d'oeil sur l'histoire récente des peuples catholiques minoritaires qui ont voulu se séparer de leurs nations. Les Croates. peuple catholique de la Yougoslavie. virent leurs voisins. avec qui ils s'entendaient bien la veille les attaquer avec l'aide de l'armée yougoslave et réduire leur pays A la ruine. Le peuple Ibo, peuple catholique le plus cultivé et le plus riche du Nigéria voulut en 1967 se séparer et former la République du Biafra. Il se vit attaqué par le Nigéria acculé dans une région inculte et tenu encerclé pendant trots ans jusqu'à la destruction complète par la famine.
En sera-t-il ainsi du Québec? Le reste du Canada trouvera-t-il prétexte A attaquer et détruire le peuple catholique québécois avec ses forces armées? Rien ne permet d'en douter. Le reste du Canada est déjà soulevé contre le Québec par une foule de griefs savamment entretenus par la presse. Il suffira d'un rien. après la séparation, pour mettre le feu aux poudres.
Mals les autres nations laisseront-elles massacrer les Québécois sans Intervenir? Si elles interviennent, ce sera pour aider au massacre. Rappelons-nous comment la plupart des pays développés fournirent des armes au Nigéria pour aider au massacre des Ibos. Et remarquons comment l'intervention en Croatie et en Bosnie-Herzégovine ne fait rien pour arrêter le massacre et les souffrances des Croates.
Quant à nous, Canadiens-Français des autres provinces du Canada, notre sort ne sera guère enviable car il sera lié à celui des Québécois. Nos concitoyens nous considéreront comme ennemis en tant que Canadiens-Français catholiques et de plus nous serons suspects aux yeux des Québécois parce que résidant dans les provinces ennemies.
Remercions Dieu d'avoir retardé le temps de nos épreuves pendant un quart de siècle et prions qu'il nous aide car les années qui s'en viennent s'annoncent vraiment terribles.
Léopold Soucy St-Léonard, N.B.

Vers demain mars-avril 1994
[/quote]

2:00 p.m.  

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